L'insupportable situation des demandeurs d'asile à Paris

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À partir d'une enquête effectuée à Paris par les acteurs de terrain de cinq associations, dont le Cedre, antenne du Secours Catholique, un rapport, intitulé Les oubliés du droit d’asile, dresse un état des lieux alarmant des conditions de vie des migrants dans la capitale. Les auteurs du rapport révèlent nombre de dysfonctionnements et énumèrent une quarantaine de recommandations pour que l’État honore ses engagements.
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L'insupportable situation des demandeurs d'asile à Paris

« Pratiquement tous les demandeurs d’asile à Paris ont séjourné et dormi dans la rue. C’est un passage obligé. Nous sommes dans un système où nous, travailleurs sociaux ou associatifs, sommes étonnés quand un migrant nous dit qu’il n’a jamais dormi à la rue. »

Ainsi s’exprime Aurélie Radisson, directrice du Centre d’entraide pour réfugiés et demandeurs d’asile (Cedre) du Secours Catholique, l’un des cinq centres d’accueil parisiens pour demandeurs d’asile à l’origine du rapport Les oubliés du droit d’asile.

« En menant cette enquête, poursuit Aurélie Radisson, nous voulions mesurer les conditions de vie des migrants et la justesse des doléances que les acteurs de terrain portent depuis plusieurs années. »

recueil de témoignages

L’enquête a été menée par les acteurs de terrain du Cedre, ainsi que par les bénévoles et les salariés des associations Aurore et France Horizon (toutes deux financées par l’État pour accueillir et orienter les étrangers en quête d’asile), de la Halte humanitaire (gérée par la fondation de l’Armée du Salut) et du Kiosque (géré conjointement par France-Terre d’Asile et Emmaüs solidarités).

D’autres associations comme Action contre la faim ont également apporté leur soutien à la démarche qui consistait à élaborer tout d’abord un protocole d’enquête et à organiser sur quinze jours, du 1er au 15 juin 2021, le recueil des témoignages.

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Sur les 700 personnes accueillies quotidiennement par ces associations, 525 ont répondu au questionnaire des enquêteurs. Tous sont des hommes isolés (les familles et les femmes étant généralement mieux pris en charge), soit en attente de statut, soit ayant déjà obtenu le bénéfice d’une protection internationale (Bpi). Ces bénéficiaires de la protection internationale représentent environ 20 % des accueillis et vivent toujours dans des conditions très précaires.

Le jour où elles ont été interrogées, 65 % de ces personnes exilées avaient dormi à la rue. 25 % de ces migrants se trouvaient en situation de faim sévère. 79 % ont déclaré n’avoir aucune ressource et 50 % des demandeurs d’asile interrogés ne perçoivent pas l’Allocation aux demandeurs d’asile (Ada), pourtant indispensable pour survivre puisqu’il leur est quasiment impossible d’obtenir une autorisation de travailler.

Le rapport met aussi en lumière la grande complexité pour enregistrer une demande d’asile, étape pourtant obligatoire pour toute personne qui a besoin d’une protection..

Pour un étranger, accéder à cette demande fondamentale qu’est le droit d’asile est très complexe.
Aurélie Radisson


Aurélie Radisson l’explique par l’obligation de passer par une plateforme téléphonique pour demander l’asile, « Or, 24 % des personnes interrogées nous ont dit ne pas avoir de téléphone. De plus, l’appel n’est pas gratuit et l’attente au bout du fil coûte en moyenne 10 euros pour obtenir un rendez-vous. Pour un étranger, accéder à cette demande fondamentale qu’est le droit d’asile est très complexe. »

Cette complexité est amplifiée par « la qualité de l’information officielle qui est nulle, assure Aurélie Radisson. 66 % des migrants qui viennent d’arriver obtiennent leurs informations exclusivement des membres de leurs communautés. La fiabilité de cette information peut être questionnée. »

De plus, 60 % des personnes interrogées ont dit ne pas avoir accès à un travailleur social alors qu’elles sont censées être accompagnées socialement. Là encore, Aurélie Radisson déplore le manque de travailleurs sociaux et souligne qu’une des recommandations du rapport invite à augmenter le nombre de salariés dans les centres d’accueil pour accompagner les personnes exilées.

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Le jour où elles ont été interrogées, 65 % des personnes exilées avaient dormi à la rue, 25 % se trouvaient en situation de faim sévère, 79 % n'avaient aucune ressource et 50 % ne percevaient pas l’Allocation aux demandeurs d’asile (Ada).

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La quarantaine de recommandations du rapport répond aux différents dysfonctionnements révélés ou relevés par cette enquête. Aurélie Radisson nous en cite deux ou trois qu’elle juge essentielles.

« Il n’existe actuellement aucun espace de travail et aucun dialogue entre les différents acteurs intervenant auprès des personnes exilées, dit-elle. Il y a un véritable besoin de travailler ensemble pour trouver des solutions avec les services de l’État, les collectivités territoriales, les structures de défense des citoyens, les associations et les personnes exilées. C’est notre recommandation phare. »

Il n'existe actuellement aucun espace de dialogue entre les différents acteurs intervenant auprès des personnes exilées.
Aurélie Radisson


« Une autre recommandation faite à l’État est de mettre en adéquation sa parole politique et les moyens alloués pour qu’elle soit appliquée. Il n’est pas possible de réaliser un accueil digne sans en donner les moyens. Enfin, nous préconisons une série d’audits indépendants pour comprendre les dysfonctionnements, notamment sur la gestion de l’Ada. Nous voulons savoir pourquoi de nombreux demandeurs d’asile n’arrivent pas à accéder à cette allocation, et pourquoi les recours, pourtant fondés, aboutissent si peu ? »

Le rapport Les oubliés du droit d’asile, en déployant la photographie d’une migration qui se fait le plus souvent dans la souffrance et la misère, remue les consciences et lance un appel au devoir d’humanité.

Crédits
Nom(s)
©Jacques Duffaut et Elodie Perriot/Secours Catholique-Caritas France
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