QUESTIONS à Laurent Giovannoni, responsable du département accueil et droits des étrangers au Secours Catholique
Que constate le Secours Catholique quant à l’accès aux droits des personnes migrantes ?
Le rapport statistique 2019 de l’association montre que 20 % des personnes rencontrées dans
nos accueils vivent sans aucune ressource.
Ce pourcentage recouvre principalement des personnes étrangères en situation administrative
précaire, qu’elles soient en attente de statut (demandeurs d’asile), ou déboutées et/ou sans
papiers.
Ce qui réunit, pour ainsi dire, ces personnes, c’est le fait qu’elles n’ont pas accès à un
droit fondamental : celui de travailler. Un droit de séjour et de travail leur permettrait de
subvenir à leurs besoins, de contribuer à la société, d’accéder à différents droits sociaux en
matière de logement, de formation etc., et d’aller, ainsi, vers une possible sortie de la
précarité.
Quelles sont les conséquences de cette situation infra-légale pour les personnes ?
Qu’elles soient en attente de statut ou bien présentes depuis plusieurs années en situation
irrégulière sur le territoire, ces personnes – dont beaucoup de familles avec enfants – sont
maintenues dans une très grande pauvreté, et dans une dépendance totale à l’égard de leurs
proches et des associations humanitaires.
Pour l’individu, l’incertitude de sa situation et sa mise à l’écart de la société conduit à
une forme de déstructuration sociale et psychologique, et à un stress : une inquiétude
permanente qui l’empêche de construire son projet de vie. Ces personnes sont souvent
contraintes à avoir recours au travail non déclaré, avec tous les risques que cela comporte.
Cette situation a aussi des conséquences sur les enfants, qui ne grandissent pas dans de
bonnes conditions.
Et pour la société ?
Il serait dans l’intérêt général que les personnes qui ont entamé une vie en France, qui ont
créé des liens sociaux, sont engagées dans des activités ou dont les enfants sont scolarisés,
puissent obtenir un titre de séjour et le droit de travailler. C’est une mesure de bon sens,
car c’est la seule solution pour les aider à sortir de la pauvreté, à devenir des citoyens
comme les autres et à préparer l’avenir de leurs enfants.
D’un point de vue strictement utilitariste, la société a aussi intérêt à ce que les individus
en attente de statut puissent travailler, subvenir à leurs besoins, contribuer au collectif et
payer leurs impôts.
Or, c’est aujourd’hui un pan entier de la société qui est exclu, générant d’autres problèmes
pour l’avenir. Sans compter que la société se prive ainsi de compétences, de talents et de
savoir-faire. C’est un appauvrissement général, dont souffrent en premier lieu les personnes
concernées, mais aussi la société elle-même.
Quelles inflexions dans les politiques en vigueur demande le Secours Catholique ?
Nous demandons que toutes les personnes en attente de statut puissent avoir le droit de travailler, sans délai. Travailler, c’est acquérir son autonomie, c’est aussi contribuer à la société, et c’est une dignité essentielle. Refuser à quelqu’un d’accéder au moyen de subvenir lui-même à ses besoins, c’est lui refuser cette dignité.
Nous nous élevons contre la remise en cause, sur le terrain, du principe de l’hébergement inconditionnel des personnes, quel que soit leur statut légal. Cette remise en cause du droit à un toit pour tous génère des campements, des bidonvilles et des squats. C’est d’abord une atteinte à l’intégrité des personnes, et c’est indigne d’un pays riche comme la France. C’est aussi créer une sorte de désordre général - l’impression, fausse, que les étrangers sont de plus en plus nombreux en France et que la situation n’est pas maîtrisée – qui entraîne et renforce les réflexes de peur et de repli sur soi d’une partie de la population.
Nous plaidons aussi pour l’accès pour tous à l’apprentissage du français. Des politiques nationales existent, mais elles ciblent les personnes présentes en France depuis moins de cinq ans en situation régulière. Ce qui signifie qu’elles ne concernent pas prioritairement les demandeurs d’asile ou les personnes sans papiers, ou d’autres présentes en France depuis plus longtemps. Or, l’apprentissage de la langue permet l’autonomie dans la vie quotidienne, la création de liens et la rencontre avec l’autre, et prépare, évidemment, à l’insertion professionnelle.
Crédits :
Textes : Clarisse Briot I Photos :
Xavier Schwebel I Vidéo : Frankie Jautée
Coordination éditoriale : Clarisse Briot
Conception graphique et développement : Agence Pepper Cube
Projet imaginé par Benjamin Sèze, Clarisse Briot, Emmanuel Maistre, avec l’Agence Pepper
Cube