60 000 logements très sociaux en plus pour les ménages modestes, et si on essayait ?
2,1 millions de personnes sont en attente de logement social : elles ont 25 % de chances en moyenne de s’en voir attribuer un. Mais cette probabilité diminue quand on dispose de moins de ressources.
Un ménage avec un revenu par unité de consommation compris entre 340 et 510 euros a 30 % de chances de moins de se voir attribuer un logement social qu’un ménage ayant un revenu par unité de consommation compris entre 1370 et 1710 euros, selon une étude menée par le Secours Catholique avec d’autres associations en 2020. Pourtant, ce sont eux qui en ont le plus besoin et les habitations à loyer modéré (HLM) ont historiquement été conçues pour ces personnes aux revenus modestes.
Si la France manque de logements sociaux, elle manque également de logements très sociaux. Ceux-ci, destinés aux ménages les plus modestes, représentent seulement 6 % des logements HLM. Or aujourd’hui, on estime que les trois quarts des personnes en attente de logement social seraient éligibles à un loyer très social.
En attendant, elles sont très souvent hébergées dans des centres d’hébergement d’urgence (CHU, hôtels, CHRS…) ou à leurs frais dans le parc privé.
- Les plus pauvres ont 30 % de chances en moins que les autres d’obtenir un logement social.
- Les ¾ des personnes en attente de logement social seraient éligibles à un loyer très social.
- Les logements très sociaux représentent 6 % des logements HLM.
Notre témoin : Fulbert, en attente de logement social depuis 8 ans
Dans son accompagnement, le Secours Catholique rencontre nombre de personnes en attente de logement social. C’est le cas de Fulbert qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans une maison à Drancy (Seine-Saint-Denis). Leur loyer, 1400 euros, représente plus de la moitié de leurs deux salaires.
« On doit se priver de beaucoup de choses, de loisirs pour nos enfants », regrette le père de famille. Comme Fulbert, nombre de personnes dans l’attente d’un logement social se privent et vivent dans l’angoisse permanente de ne pas recevoir de réponse positive à leur demande. La situation est encore plus dramatique pour les personnes dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté et qui n’ont pas accès au parc social.
La proposition du Secours Catholique
A l’approche de l’élection présidentielle et des élections législatives, le Secours Catholique invite les politiques à rendre le logement social réellement accessible aux plus pauvres. Sa proposition ? Adopter, en début de quinquennat, une loi de programmation pluriannuelle de la rue au logement prévoyant notamment le financement annuel de 150 000 logements HLM dont 60 000 logements très sociaux. Ces objectifs de production doivent viser prioritairement les territoires aux marchés locatifs les plus tendus.
Il faudrait financer chaque année 150 000 logements sociaux, dont 60 000 logements très sociaux.
Le Secours Catholique souhaite également que le mécanisme d’attribution des logements sociaux soit réorganisé afin que les 25 % des plus pauvres en France aient pour le moins autant de chances que les autres, à savoir aujourd’hui en moyenne au moins 25 % de chances d’accéder au parc social. Il faut en ce sens renforcer les moyens d’accompagnement des plus précaires. L’État pourrait, par exemple, se porter garant pour eux. Il convient aussi de favoriser la mixité sociale, y compris en construisant des logements sociaux ou en transformant des logements existants en logements sociaux dans les quartiers les plus prisés.
L’expert : Jean-Claude Driant, professeur à l’École d’urbanisme de Paris
Pour Jean-Claude Driant, professeur à l’École d’urbanisme de Paris, il ne faut pas seulement produire de nouveaux logements sociaux et surtout très sociaux, il faut aussi faire appliquer la loi SRU en sanctionnant les municipalités qui ne produisent pas de HLM et favoriser la mobilité à l’intérieur du parc social.