Lutte contre la précarité : comment aider les agriculteurs ?

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Le constat est le même un peu partout en France. Il est très difficile pour les associations caritatives de toucher les familles d'agriculteurs. En Suisse, la Caritas a relevé le défi, avec un certain succès.
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Un agriculteur travaille sur sa parcelle

« Parfois, il arrive qu'un travailleur social nous informe qu'il a orienté une famille vers nous, mais que finalement celle-ci ne vienne pas », raconte Michel Labrunie, du Secours Catholique de Gramat, dans le Lot. Le bénévole évoque la difficulté pour les associations caritatives de toucher les familles d'agriculteurs. Un constat partagé par la plupart des équipes du Secours Catholique qui agissent en milieu rural. Dans le meilleur des cas, observe Michel, c'est parce qu'ils ont un cercle familial qui peut les aider. Mais souvent, poursuit-il, c'est parce qu' « ils ont une telle gêne, que c'est trop difficile pour eux de demander de l'aide ».

« La précarité, dans l'agriculture, ça ne se dit pas », confirme Lucette Perroud, bénévole à Villecomtal, dans l'Aveyron. « Les paysans n'appellent pas, même s'ils sont en difficulté », constate Jeanine Terral de l'association Solidarité Paysans qui défend et accompagne les agriculteurs en difficulté. La sexagénaire, basée à Arvieu, dans l'Aveyron, met cela sur le compte de la pudeur, et aussi d'un sentiment de culpabilité. « Ils se disent que c'est de leur faute, qu'ils ont mal géré. »
 

Ils se disent que c'est de leur faute, qu'ils ont mal géré.
 

Lorsque certains finissent par appeler, « c'est qu'ils sont vraiment acculés, et souvent c'est trop tard pour les aider à éviter une situation compliquée », regrette-t-elle.  « On ne peut alors qu'essayer de jouer les médiateurs auprès de leurs créanciers, les écouter et les soutenir psychologiquement. » Au delà, des problèmes économiques, Jeanine souligne la solitude prégnante dans le monde paysan en Aveyron. « Nous avons beaucoup d'hommes seuls qui travaillent avec leurs parents dans la ferme familiale. Et lorsque ces derniers décèdent, ces agriculteurs se retrouvent isolés à 50 ans, avec plus personne à qui parler. » Comment atteindre ce public ? Avec son association, Jeanine a tenté plusieurs choses : projection de film, proposition de formation... Sans grand succès. 

En Suisse, la Caritas a fait des agriculteurs de montagne une de ses préoccupations privilégiée, depuis une quarantaine d'années. « Chez nous, c'est la tranche de la population qui a les revenus les plus bas », explique Jean-Yves Riand, de Caritas Suisse. L'ONG n'apporte pas d'aide financière - « d'autres organisations s'en chargent » - mais propose aux exploitants en précarité un coup de main bénévole aux travaux de la ferme. « Souvent, les personnes qui font appel à nous rencontrent des difficultés à cause d'une situation personnelle ou familiale, lors d'un divorce par exemple, ou en cas de maladie ou de handicap. »

Si le procédé fonctionne bien en Suisse allemanique, où il existe une tradition de solidarité, donc moins de gêne à demander de l'aide, précise Jean-Yves Riand, c'est moins évident en Suisse romande « où les agriculteurs attendent d'être dos au mur ». Pour lui, un tel dispositif présente plusieurs avantages. Tout d'abord, un changement de regard réciproque entre les paysans et les volontaires souvent citadins. Ensuite, une prise de conscience par les bénévoles des difficultés rencontrées par les agriculteurs suisses. Enfin, un soutien moral pour ces derniers qui peuvent alors se dire: « On pense encore à nous. »

Crédits
Nom(s)
Benjamin Sèze
Fonction(s)
Journaliste rédacteur
Nom(s)
Lionel Charrier
Fonction(s)
Photographe
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