Notre « État de la pauvreté en France 2021 »
Le Secours Catholique-Caritas France publie jeudi 18 novembre son rapport statistique annuel État de la pauvreté en France 2021. Constats et analyses sur la précarité issus de l’observation sur l'ensemble du territoire national de plus de 38 800 situations (sur les 777 000 personnes accueillies en 2020).
Pour son rapport 2021 qui alerte sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres, l'association a complété son étude d'une enquête approfondie sur la question spécifique de l’aide alimentaire et de l’accès à l’alimentation, à travers une enquête menée auprès de 1 088 ménages qui ont eu recours à l’aide alimentaire d’urgence allouée par le Secours Catholique durant le premier confinement, de mars à mai 2020.
La crise sanitaire a agi comme comme un puissant révélateur d’une insécurité alimentaire déjà bien ancrée pour des millions de Français. La pandémie de Covid-19 a déstabilisé des situations budgétaires déjà très serrées. Quand les maigres ressources baissent alors que les dépenses augmentent (du fait de la fermeture des cantines scolaires ou de l’augmentation des dépenses d’électricité), les privations deviennent dès lors quotidiennes.
Le Secours Catholique rappelle que la précarité alimentaire est liée à une unique constante : l'insuffisance et l'instabilité des ressources.
22% des ménages accueillis ne disposent d'aucunes ressources financières. 1/3 des ménages accueillis n'ont pas accès à un logement stable. 27% ne mangent pas pendant 1 journée entière ou davantage.
À ENJEUX STRUCTURELS, RÉPONSES STRUCTURELLES
par Véronique Devise, présidente du Secours Catholique-Caritas France et Vincent Destival, délégué général.
La gastronomie française s’exporte dans le monde entier. Les émissions culinaires rassemblent toutes les générations devant le poste. La France est un pays où l’on vit bien, dit-on. Pourtant, il restera de la pandémie de Covid une image marquante, celle des files d’attente qui s’allongent devant les centres de distribution alimentaire. En 2020, en France, entre 5 et 7 millions de personnes ont eu besoin d’y recourir. C’est une humiliation que notre pays inflige à près de 10 % de sa population. Bien des personnes en situation de précarité nous le confient : « Le fait de payer et de choisir comme tout le monde nous permet de rester dignes. »
À partir des situations rencontrées chaque jour par les équipes locales du Secours Catholique en 2020, le présent rapport apporte un nouvel éclairage sur les vulnérabilités de notre société. La pandémie a souvent aggravé l’intensité de la pauvreté déjà vécue. En 2020, la part des ménages rencontrés sans ressources financières atteint 22 %. Le niveau de vie médian est en baisse (537 euros) et largement en deçà du seuil d’extrême pauvreté (739 euros), ce qui se traduit par autant de privations. Quand les revenus suffisent à peine à régler le loyer, la santé, les dettes, la pension… ou quand il faut faire face à un imprévu (comme l’arrêt des cantines en 2020), on rogne sur la partie variable des dépenses, à commencer par l’alimentation et le chauffage. L’explosion actuelle des prix de l’énergie laisse d’ailleurs craindre le pire pour cet hiver.
En 2020, sans surprise, la demande d’aide alimentaire est en hausse (54 % des ménages rencontrés). Particulièrement alarmant : 27 % des ménages auxquels nous avons remis des chèques-services subissent une insécurité alimentaire grave. Autrement dit, il leur arrive régulièrement de ne prendre aucun repas de la journée. Des familles sont concernées.
Si la crise sanitaire a servi de révélateur, quels enseignements en tirer ? La crise a surtout donné à voir des pauvretés déjà installées. Or nos gouvernements ont pris la fâcheuse habitude d’apporter des réponses ponctuelles, adaptées pour l’urgence, à des enjeux structurels. Tacitement, notre pays a choisi d’industrialiser les distributions de denrées plutôt que l’accès digne de tous à l’alimentation, l’hébergement ou les nuitées d’hôtel plutôt que le droit au logement, les aides ponctuelles aux ménages pauvres plutôt qu’un revenu minimum permettant de ne pas avoir à choisir entre les loisirs des enfants, le chauffage et l’alimentation.
La crise sanitaire a aussi rappelé combien notre pays est capable de solidarité, de générosité, de fraternité. Cette fraternité inscrite dans notre devise nous invite à faire bien plus que mettre des pansements sur la pauvreté. Et si on essayait, en 2022, de faire de la fraternité la boussole de nos choix politiques ?