Traite des êtres humains : comment lutter ?
Soirée-débat le 13 février
Mardi 13 février, le Secours Catholique - Caritas France et les Services de la Conférence des Evêques de France organisent une rencoontre autour du thème « Combattre la traite des êtres humains. Comment ? ». La soirée se déroulera, à partir de 18h, à la Maison des Évêques de France, à Paris.
Après la projection de courts-métrages sur l'exploitation des mineurs en France, #INVISIBLES et #DEVENIR, des personnes directement concernées par ce fléau viendront témoigner. Un débat sera ensuite organisé autour de la question : « L'indignation médiatique et la mobilisation citoyenne suffiront-elles à combattre la traite des êtres humains ? ».
En Espagne, les victimes de trafiquants d’êtres humains sont mises à l’abri dans des lieux tenus secrets où l’Église, les organismes d’État, les Caritas locales et nationale collaborent à leur réintégration sociale.
Dans un quartier de Grenade, en Espagne, au fond d’une cour sans végétation, une villa blanche pareille aux autres interdit son entrée aux hommes. Une exception est faite pour le photographe et le rédacteur du Secours Catholique, qui ont été autorisés à partager le repas de midi avec les pensionnaires du foyer Amaranta.
Amaranta est un refuge pour des femmes victimes de la traite d’êtres humains. Il en existe cinq de ce type en Espagne. Celui de Grenade a une capacité de dix lits. Ce mois de juillet, il accueille cinq pensionnaires, toutes nigérianes, trois mineures et deux majeures. La plus âgée, 33 ans, se fait appeler Happy. Ses deux enfants vivent avec elle ici : une fillette de 12 ans et un petit garçon de 4 ans.
Happy avait 21 ans lorsque, fuyant le Nigeria, elle a clandestinement embarqué sur un Zodiac avec 35 autres migrants. Transie de peur, en pleine nuit, elle a fait le trajet du Maroc aux îles Canaries, sa fille âgée de quelques mois dans les bras. « Quand on était au Nigeria, on croyait ce qu’on voyait dans les films : tout semblait facile en Europe. Mais rien n’est facile ici », dit-elle.
Aux Canaries, la femme qui l’avait abordée à Lagos l’attend. « Elle m’avait promis que je gagnerais ma vie en ramassant des tomates dans une ferme. » Mais son interlocutrice lui retire sa fille et oblige Happy à se prostituer. « C’était elle ma boss, je devais lui obéir. Pour revoir ma fille et payer la personne qui s’occupait d’elle, je devais lui rapporter de l’argent. » Pour se libérer de sa “dette” envers la maquerelle, Happy doit rassembler 45 000 euros – une tâche impossible.
Après plusieurs années de prostitution, la police arrache Happy et sa fille des griffes de leur exploiteuse. La maman et sa fillette se cachent depuis ce jour à Amaranta. Les autres pensionnaires sont plus jeunes. Marcelline a une vingtaine d’années. Son calvaire a été plus court, comme celui des trois mineures (l’une de 13 ans, les autres de 17 ans) qui, contrairement à leurs aînées, ont quitté le Nigeria en sachant ce qu’on attendait d’elles. Sur place, elles ont découvert la violence d’une situation qu’elles imaginaient romantique.
« La police détecte les victimes et demande aux centres de protection comme le nôtre de les prendre en charge », explique Maria, l’une des deux assistantes sociales d’Amaranta. « D’autres associations aident à cette détection, ajoute Claudia, sa collègue. Parce qu’elles sont en danger, les victimes sont placées dans un foyer éloigné du lieu de leur exploitation. »
Les jeunes femmes accueillies participent aux tâches ménagères et à l’entretien du lieu. « L’idée est de former une grande famille », souligne Maria. Dirigée par une congrégation religieuse, Amaranta Grenade loge ses pensionnaires en chambres individuelles, les nourrit, entretient leur linge et leur remet 15 euros par semaine pour leurs frais personnels.
Tout est fait ici pour les rendre autonomes. Les assistantes sociales concentrent leur action sur la famille, la santé et le droit. Des avocats se chargent de régulariser leur séjour. « L’idéal est de parfaire ce travail pour qu’elles ne restent pas plus de trois ans », précise Claudia. Si nécessaire, l’accompagnement se poursuit après leur départ du foyer.
L’insertion des pensionnaires d’Amaranta passe par les Caritas. La Caritas paroissiale, financée par la Caritas diocésaine, gère le centre de formation Oasis où chaque année 264 femmes, migrantes ou espagnoles, suivent des cours. Les adultes d’Amaranta se fondent parmi elles. Au centre, Happy et Marcelline se familiarisent avec la langue espagnole, l’informatique et les métiers de l’hôtellerie. Caritas leur donne un peu d’argent pour payer leur transport et les inciter à participer aux ateliers.
Quant aux mineures, elles vont à l’école comme toutes les filles de leur âge. Dès qu’elles auront un titre de séjour et un emploi, les résidentes voleront de leurs propres ailes, avec l’assurance qu’Amaranta et les Caritas seront toujours là en cas de difficulté.
Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, près d’un tiers des victimes de la traite des êtres humains dans le monde sont des enfants. En situations de conflit, ils sont les plus exposés. Comment les protéger ? Comment les repérer ?
Le collectif “Ensemble contre la traite des êtres humains” (25 associations en France), que coordonne Geneviève Colas du Secours Catholique, lance une campagne destinée à faire la lumière sur ces crimes de l’ombre. Intitulée #DEVENIR, cette campagne à visée pédagogique explique combien est long et complexe le processus qui permet de sortir d’une situation de traite.
« Pour l’enfant victime, être écarté de l’exploiteur n’est pas synonyme de résolution immédiate de sa situation. Son accompagnement repose sur un travail coordonné et patient de multiples acteurs afin qu’il puisse se reconstruire et aller de l’avant. » Mais comment savoir si l’enfant est victime de traite ? La traite des enfants n’implique que deux éléments : l’action (recrutement, transport, achat, transfert, hébergement, accueil…) et l’intention (à des fins d’exploitation).
Pour cette campagne ont été réalisés un livret et un film. Le livret détaille les diverses situations de traite et les répercussions de chacune sur le physique et le psychisme de l’enfant. Le film #DEVENIR a été réalisé par Guido Freddi. Cette fiction, fondée sur le vécu de personnes rencontrées et accompagnées par le collectif, montre le long processus qui permet aux enfants victimes de traite de se libérer de l’emprise exercée sur eux et de se reconstruire.