Au Brésil, le retour à la terre pour vivre mieux
C’est l’une des premières maisons qui bordent la rue principale de la communauté Antonio Nasimento, à quelques kilomètres de Recife, dans le nord-est du Brésil. Leonido et Zelia Da Silva vivent ici depuis trois ans avec leurs quatre enfants dans ce village encore informel créé par le Mouvement des sans-terre (MST), partenaire du Secours Catholique. Leonido a bâti lui-même leur maison. « Au début, il n’y avait rien, que des mauvaises herbes. Pendant treize jours, je suis venu tous les soirs avec notre aîné », raconte ce maçon de 42 ans.
350 familles, soit environ 2 000 personnes, vivent aujourd’hui à Antonio Nasimento. Depuis avril 2016, elles attendent que les autorités reconnaissent la légalité de leur communauté afin d’être assurées de sa pérennité. La reconnaissance par les autorités intervient souvent après plusieurs années d’occupation. La Constitution brésilienne de 1988 prévoit en effet la possibilité pour l’État de confisquer des terres à leurs propriétaires lorsque ceux-ci ne les exploitent pas. C’est donc sur le droit que s’appuient les Sans-terre pour mener leur combat.
« Nous obligeons l’État à utiliser son pouvoir », explique Jaine Amori, l’un des responsables du mouvement. Première étape : repérer des terrains agricoles non cultivés. Deuxième étape : faire constater l’absence d’usage par l’Institut national de colonisation et réforme agraire (Incra). Troisième étape : prendre possession de ces terrains afin d’obtenir du gouvernement l’expropriation et leur répartition entre les familles.
Au profil type du paysan sans terre des années 1970 a succédé dans les rangs du MST celui du travailleur pauvre, ou du chômeur, qui survit dans la périphérie des villes. « Ce sont des petits artisans ou des ouvriers intérimaires qui se sont retrouvés exclus du processus économique dans les années 1990, décrit Jaine Amori. Pour eux, l’agriculture a commencé à être une alternative économique mais aussi un style de vie. »
Roseane Fidealis, 51 ans, et Manuel Salvino, 62 ans, sont soulagés d’avoir quitté la promiscuité du quartier d’Ibura à Recife. Ils y vivaient, disent-ils, coincés entre deux bretelles d’autoroute, entre la violence des trafiquants de drogue et celle des policiers. « Ici, je me sens en sécurité, c’est tranquille, confie Manuel. Et puis l’avantage, c’est qu’on peut planter, cultiver et consommer ce que l’on a produit. » Le principe du MST est de permettre aux familles de vivre selon le modèle de l’agriculture familiale.