Au Burundi, des clubs de jeunes pour regarder vers l’avenir
Samedi matin, la musique résonne par les enceintes de la paroisse de Mugera, là où se réunissent les jeunes du Club Justice et Paix. « Aidons le pays à se développer et mettons à part ce qui nous sépare » disent les paroles de cette chanson, en kirundi, la langue locale. Ce sont les jeunes du Club qui l’ont composée. Depuis 3 ans, ils sont 150 de la paroisse de Mugera, venus des collines environnantes, à se retrouver le samedi matin pour discuter ensemble et monter des projets communs.
À l’origine un constat : les jeunes, qui souffrent du chômage et de la pauvreté, peuvent être facilement manipulés par certains partis politiques, dans un pays où les élections sont souvent synonymes de violences, et alors que l’histoire du Burundi est marquée par des massacres entre Hutus et Tutsis.
Apprendre à cohabiter
« Au club, nous discutons sur la manière dont nous pouvons vivre ensemble, malgré les différences, par exemple les partis politiques, l’ethnie ou les classes sociales. Nous apprenons à vivre en harmonie et à cohabiter. Aujourd’hui, le président du club est membre du parti au pouvoir et son adjoint est de l’opposition, et ça n’est plus un problème » se félicite Bosco, 32 ans, professeur des écoles et encadreur du Club.
À travers l’écriture de chansons ou de sketches, les jeunes se mobilisent pour éviter les conflits, également à l’intérieur des familles. Ce jour-là, une dizaine de jeunes jouent au théâtre pour dénoncer l’ivresse de certains pères de famille qui pillent l’argent du foyer. Ils font rire l’assemblée des jeunes du Club. Plus tard, ils iront jouer ces sketches dans le village ou lors de rassemblements pour sensibiliser au vivre ensemble.
Marie est l’une des actrices, mais elle danse également pour le Club. Car en proposant des spectacles de danse ici et là, les jeunes récoltent aussi de l’argent. « L’an dernier, nous avons dansé au petit séminaire, et avec l’argent récolté, nous avons acheté un porcelet pour le Club. Il grandit et ses excréments aident à fertiliser nos champs » se réjouit Marie, âgée de 18 ans, qui, comme la majorité des Burundais, vit des travaux agricoles. « Pour rester unis, il faut quelque chose qui nous unisse » renchérit Bosco, « c’est pourquoi nous avons des projets d’élevage mais aussi d’agriculture, et cela contribue au développement économique des jeunes. »
Des jeunes femmes ont ainsi mis en place une caisse d’épargne et de crédit et ont investi dans un champ de maïs qu’elles cultivent ensemble. Cela leur permet d’être moins dépendantes de leurs maris. L’argent récolté avec les spectacles ou la vente du maïs du champ collectif permet aux jeunes d’investir aussi dans la solidarité. « Nous allons rendre visite aux malades. Ou bien nous offrons des présents à une jeune fille qui va se marier. Et puis nous nous aidons entre nous » explique Justin, président du club, chômeur après des études de mécanique.
Les jeunes peuvent aussi prendre des crédits auprès des caisses d’épargne du Club pour, par exemple, se lancer dans un projet agricole personnel. Tout est fait pour regarder, ensemble, vers demain.