À Aubervilliers, Partager autour de la spiritualité pour favoriser le vivre ensemble
On pourrait presque ne pas l’apercevoir, bien caché au fond d’une cour boisée, au détour d’une tour HLM et d’un petit snack affichant fièrement : « ici, c’est Auber ». Il est 16h30 ce samedi 16 mars lorsque le Centre d’entraide pour les demandeurs d’asile et réfugiés (Cedre) ouvre ses portes au public, inaugurant le début d’une discussion autour des spiritualités et de l’exil.
C’est en constatant que le sujet était une source de questionnement pour beaucoup d’exilés que cette antenne du Secours Catholique a voulu mettre en place des moments de convivialité autour des questions « de mixités spirituelles, mais aussi culturelles et linguistiques », explique Hisham, son directeur adjoint. Au programme de cet après-midi : une table ronde, puis le partage d’un iftar, repas de coupure du jeûne pendant Ramadan.
Cette question de la spiritualité en exil se pose particulièrement en France, un pays « qui entretient un rapport très sensible à la laïcité », estime Capucine, directrice du Cedre. La précarité dans laquelle se trouvent beaucoup d’exilés peut renforcer les interrogations. « Cela peut empêcher les personnes de pratiquer leur religion, par impossibilité matérielle ou par crainte des discriminations, et générer de la culpabilité », explique Aman, médiateur interculturel. « On peut avoir peur de dire qu’on est musulman - », confie Ousmane, bénévole. « Il y a une image terrible de la religion musulmane en France. Un jour, j’ai tapé « islam » sur Google et j’ai été horrifié de la réponse ! », raconte le jeune guinéen. « Ici, je prie avec des musulmans, des catholiques, il y a aussi des personnes qui ne croient pas. Cela ne me pose aucun problème ! ».
« Être en exil, c’est parfois s’extraire d’une communauté spirituelle », explique Hélène Aimard, sociologue et invitée de la table ronde. Onja, réfugiée malgache et bénévole au Cedre, raconte la manière dont elle a dû « réinventer [sa] spiritualité ». « À Madagascar, j’allais me purifier sous des cascades, dans des sources d’eau…, narre-t-elle. Il n’y a rien de tout cela à Paris, alors je fais autrement, je me purifie sous la douche en imaginant une source de lumière, je vais méditer dans des églises... ».
des moments « importants pour se comprendre »
Dans la société française, « on constate une diminution progressive du fait religieux dans la vie sociale, et l’idée que la religion n’est pas vraiment compatible avec la modernité », analyse encore Hélène Aimard. Cela aussi peut générer des interrogations et des craintes chez les personnes primo-arrivantes. « Souvent, je constate une tension chez les personnes que je rencontre entre le fait de vouloir vivre sa foi et la peur de déranger. À l’inverse, je peux aussi croiser des gens qui prennent trop de place avec leur religion, et qui génèrent eux aussi de l’exclusion et de la violence », note Hysam, étudiant en médiation interculturelle.
« Ni chrétien, ni musulman, ni juif », il dit apprécier le thème de cette journée, dédiée « à la spiritualité, et non pas aux seules religions. Cela n’exclut personne », souligne-t-il. Aman renchérit, certain de l’utilité de ces discussions : « des moments comme celui-ci, de convivialité et de partage autour de la spiritualité, sont très importants pour se comprendre ».