Avec Malika Bellaribi, ouvrir les portes de l'opéra
« Faites-moi la bouche pélican ! ». À l’énoncé de cette mystérieuse consigne, les 25 stagiaires ouvrent le bec et relâchent les muscles de la mâchoire, laissant pendre leur langue. « Siiiiii, saaaaaa, sooooo » vocalise Malika, virevoltant au centre du cercle formé par les apprenants, accompagnée par Alexandre au piano. La cantatrice aux boucles brunes déploie une énergie folle, et use de son charisme, de l’humour et d’un ton “cash”, pour emmener le groupe. « Je ne forme pas une chorale, explique-t-elle, mais une troupe lyrique. C’est plus exigeant, on va plus loin : on apprend les techniques vocales et à jouer la comédie ».
Démarré à l’automne dernier, l’atelier, monté par le Secours Catholique en partenariat avec l’association Voix En Développement fondée par Malika, se tient tous les mardis. Il rassemble au total une trentaine de personnes recrutées parmi les hommes et femmes accompagnées et/ou engagées au Secours Catholique d’Orléans. En ligne de mire : une représentation de l’opéra Carmen (de Georges Bizet) le 7 décembre prochain, au théâtre Gérard Philipe d’Orléans Métropole, aux côtés de solistes professionnels.
Des stages intensifs sont organisés, comme en ce samedi de la fin avril où les participants enchaînent les exercices de respiration, font travailler diaphragmes et périnées, s’efforcent de « lâcher prise » et de « ne pas s’écouter chanter ». Puis, entonnant un premier air de Carmen, celui des cigarières, le groupe s’entend gratifier d’un « Là, on est d’accord que… c’est moche ! », suivi d’un rire sonore de Malika. Quelques ratés plus tard, la chanteuse s’exclame, enthousiaste : « Là, j’achète ! »
J'extériorise les émotions, je me sens vivant.
« De la fermeté et de la bienveillance, c’est ce qu’il faut pour tenir un groupe », commente Philippe, dans les rangs des voix graves. « Je chantais à mes heures perdues, témoigne ce professeur de SVT de 60 ans. Mais l’opéra, c’est une première. C’est une aventure humaine : on se découvre mutuellement, et on a tous à cœur de réussir notre prestation sur scène. »
À côté de lui, le longiligne David, 25 ans, confie : « Suite à un licenciement, j’avais pour ainsi dire perdu l’usage de la parole, du vivre-ensemble, je m’étais isolé, je respirais mal. Cette aventure est tombée à point nommé pour moi. Je travaille le corps, j’extériorise les émotions, je me sens vivant. Et au-delà, l’atelier crée comme une famille ». Clarisse, 34 ans, Congolaise, en attente d’un accompagnement social, ne dit pas autre chose : « Quand je chante, je me sens soulagée, et moins isolée grâce au groupe. » Et elle ajoute en s’esclaffant : « Un jour, je chanterai comme Malika ! ».