Bolivie : « On accompagne les populations pour qu’elles prennent conscience qu’elles ont des droits »
ENTRETIEN AVEC CARMELO PERALTA, COORDINATEUR DU PROGRAMME DE RECHERCHE DE CIPCA.
Secours Catholique : Pourquoi promouvez-vous la participation des autochtones et des paysans aux décisions qui les concernent, à savoir les politiques publiques agricoles ?
Carmelo Peralta: Ce sont des communautés exclues et marginalisées, même si elles représentent 60 % de la population bolivienne. Elles n’ont pas accès aux services de base comme l’alimentation, la santé, l’électricité… On les accompagne pour qu’elles prennent conscience qu’elles ont des droits et qu’elles peuvent les défendre. Ces populations pensent souvent qu’elles sont soumises. On leur montre qu’elles peuvent au contraire prendre leur destin en main et agir sur la gouvernance. On les aide à (re)trouver un pouvoir d’agir.
S.C.: Comment les rendre actrices pour influencer les politiques ?
C. P. : Au départ il y a eu la lutte pour la délimitation des territoires et pour une reconnaissance de l’état civil des autochtones, puis le combat pour la gestion autonome des territoires, et enfin la lutte pour le droit à la participation politique. Nous travaillons à former des leaders avec des techniciens, des sociologues ou des avocats, pour qu’ils puissent participer aux décisions publiques. Ainsi, nous avons pu observer que des leaders que nous avons formés sont devenus conseillers municipaux voire maires. Quel changement pour des personnes pour qui il était interdit il y a quelques années de se rendre à la mairie !
S.C.: Comment réagit l’État bolivien ? Devez-vous vous battre pour défendre une agriculture paysanne durable ?
C.P.: Par essence, je pense que la seule réponse à la protection de la nature face à la toute-puissance des lobbys agroindustriels, ce sont les autonomies. Aujourd’hui notre rêve construit avec la Constitution de 2009 est en péril, car les entreprises minières et agroalimentaires tentent de gagner du terrain. Par exemple il y a ce projet de route qui pourrait être construite au milieu d’une zone protégée, pour mieux exploiter les bois et les minéraux et sortir des matières premières et commerciales (soja, canne à sucre,..) du pays.
Il ne faut pas oublier que 200 000 hectares de terres sont déboisées chaque année en Bolivie alors que la moitié de notre pays est recouvert de forêt amazonienne.