À Bordeaux, les résidents d'un squat inquiets face au coronavirus
Une heure et quinze minutes. Ce vendredi matin 3 avril, Emmanuel Delfino a battu un record personnel : celui du temps passé dans un supermarché. Dans une grande surface de la banlieue de Bordeaux, l’animateur du Secours Catholique, ganté et masqué, jongle entre deux Caddies remplis à ras bord.
« Je suis crevé », confie-t-il, en plaisantant. Il arrive enfin au bout de la longue liste de denrées alimentaires et de produits d’hygiène dressée par les résidents d’un squat du quartier Saint-Michel, à Bordeaux. Le lieu héberge une quinzaine de personnes sans ressources depuis le début du confinement. « Ils ont alerté un de nos bénévoles, Gilles, qui les suit régulièrement. Ils n’avaient plus rien à manger », raconte Emmanuel.
Vu les conditions sanitaires du lieu et la promiscuité entre ses résidents, « si l’un d’eux attrape le coronavirus, la situation peut devenir très compliquée, explique l’animateur du Secours Catholique. C’est pour cela que nous avons convenu avec eux d’un ravitaillement à partir de leurs besoins, plutôt que de leur donner des chèques-services et qu’ils prennent des risques en sortant faire des courses. »
11h30. Emmanuel se gare devant le squat, rue Causserouge. L’immeuble est un bâtiment municipal désaffecté. Prévenu par Emmanuel de son arrivée, Souma, l’un des résidents, se présente sur le pas de la porte. Le déchargement peut commencer en respectant les distances et les gestes de sécurité.
Parmi les quinze personnes restantes rue Causserouge, la majorité sont des ressortissants d’Afrique de l’Ouest déboutés de leur demande d’asile. « Cela fait deux ans que nous vivons ici, sans papiers et donc sans possibilité de travailler », explique Naby, 26 ans, originaire, comme Souma, de Guinée.
Pour limiter les risques de contamination, les résidents ont mis une distance d’un mètre cinquante entre les lits, le squat n’accueille plus de nouvelles personnes et il est demandé à chacun de ne pas sortir.
« Si au moins nous étions hébergés à deux ou trois, nous pourrions gérer, insiste Souma. Mais ici nous sommes quinze, avec une seule douche et un seul WC ! Si l’un de nous tombe malade, nous le serons tous. On préfère prévenir avant qu'il ne soit trop tard. »