Colombie : comment bien préparer le retour des familles déplacées sur leurs terres
Le rêve de se réinstaller une fois pour toute sur leurs terres d’origine après en avoir été chassé les a longtemps fédérés. Une fois assouvi, peut-il devenir la cause de leur désunion ? Dans la région de Magdalena Medio, située au centre-nord de la Colombie, la longue lutte pour le retour définitif des communautés déplacées est en passe d’aboutir, le processus de titularisation des terres contestées étant sur le point de s’achever. Mais tout reste à faire pour construire une paix durable sur ce territoire marqué par des années de conflits armés, entre massacres, déplacements forcés, disparitions et déforestation.
« Il y a un risque de dislocation après avoir eu gain de cause, explique Joël Da Costa, chargé de partenariats au Secours Catholique, comment continuer à être ensemble et faire communauté alors que les titres de propriété vont être remis à des individus et les terres redistribuées n’auront pas la même valeur, ni le même potentiel agricole ? » Certaines familles vont effectivement se voir attribuer des parcelles d’une valeur plus élevée que les autres parce qu’elles auront servi par exemple à la culture de l’huile de palme. Bien que cette monoculture représente un risque à long terme d’appauvrissement des sols, elle est aujourd’hui une source de revenus importante.
« Penser l’après »
Dans une région où 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, un déséquilibre dans la répartition des terres peut devenir le terreau de conflits internes. Pour le Programme Développement et Paix du Magdalena Medio (PDPMM), qui accompagne depuis plusieurs années les communautés déplacées dans leur combat pour l’accès à la terre - en leur offrant un appui juridique notamment - l’enjeu aujourd’hui est de « penser l’après ». En mai dernier, le Programme a réuni en petits groupes ou en plénière des dizaines de familles issues de la communauté de déplacés dite de Las Pavas pour réfléchir ensemble aux objectifs collégiaux qu’elles souhaitent se fixer à l’horizon 2035 et aux différents scénarios pour les atteindre. Parmi les objectifs retenus, adapter la gouvernance de la communauté à la nouvelle situation et viser l’autosuffisance alimentaire à travers le développement de l’agroécologie notamment.
Dans ces cercles de discussions, conduits avec le soutien du Secours Catholique via une méthodologie d'animation appelée « Approche Orienté Changements » (AOC), tout le monde a droit au chapitre. Claudia, l’une des participantes, témoigne ainsi : « Cela permet à chacune des femmes de s’exprimer librement et leur voix est écoutée au même niveau que celle des hommes ». Des enfants, âgés de 4 à 12 ans, sont aussi associés. Parmi leurs principales demandes figurent la lutte contre les maladies mortelles comme le paludisme et l’amélioration de l’accès à la scolarité. Ce nouveau projet, qui s’appuie sur le dialogue et la participation citoyenne, s’étendra jusqu’en 2025.
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