Crise humanitaire en Cisjordanie : des cliniques mobiles pour soigner les Palestiniens

Chapô
En pleine crise humanitaire en Cisjordanie, PHRI (Physicians for Human Rights Israel), une ONG israélienne soutenue par le Secours Catholique, vient en aide aux Palestiniens. Entretien avec Aseel Abu Rass, directrice du département territoires palestiniens occupés, et Mays Medleg, coordinatrice du plaidoyer international à PHRI.
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La guerre à Gaza et maintenant au Liban ne doit pas faire oublier la situation humanitaire difficile en Cisjordanie. Avec les restrictions des mouvements de circulation, les violences des colons et la crise économique, de nombreux civils palestiniens n’ont plus accès aux soins. PHRI (Physicians for Human Rights Israel ) agit depuis 26 ans pour le droit à la santé pour toutes les communautés sous la responsabilité d’Israël. Soutenu par le Secours Catholique, l’ONG israélienne ne peut à l’heure actuelle plus intervenir à Gaza, mais continue de venir en aide aux Palestiniens de Cisjordanie. Entretien avec Aseel Abu Rass, directrice du département territoires palestiniens occupés, et Mays Medleg, coordinatrice du plaidoyer international à PHRI.

 

Aseel Abu Rass, directrice du département territoires palestiniens occupés à PHRI

 

 

Mays Medleg, coordinatrice du plaidoyer international à PHRI

 

Comment agissez-vous à l’heure actuelle en Cisjordanie ?

Aseel Abu Rass : Notre ONG est composée de 30 salariés et de 3000 soignants bénévoles, à la fois des Israéliens et des Palestiniens. Avant la guerre, nous intervenions à Gaza, mais comme nous ne pouvons plus y entrer, nous avons rapatrié nos équipes vers la Cisjordanie où les besoins sont immenses. Deux jours par semaine (contre un jour auparavant), nous nous rendons avec nos cliniques mobiles composées de 7 à 10 médecins dans un village différent pour proposer des soins de santé gratuits et distribuer des médicaments. Nous accueillons chaque journée pas moins de 300 à 500 personnes, c’est plus qu’avant la guerre ! 

Une fois par mois nous envoyons aussi une clinique mobile à destination des femmes uniquement, avec des bénévoles médecins femmes, car nous avons remarqué que ce public est extrêmement vulnérable. Les femmes s’inquiètent pour leurs enfants et leurs familles mais ne font pas attention à leur santé. Nous veillons notamment à leur apporter un soutien psychologique.

Il devient difficile de bouger pour aller chez le docteur ou à l’hôpital.


Diriez-vous que la situation humanitaire a empiré en Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023 et le début de la guerre à Gaza ?

A. A. R. : La situation sanitaire est catastrophique en Cisjordanie, nous constatons une augmentation de maladies comme l’hypertension artérielle ou le diabète. Il y a une pénurie de médicaments (comme l’insuline) et les civils ne peuvent plus se déplacer pour aller se soigner. Avec la multiplication des check-points et les restrictions des mouvements de circulation (en comparant la période allant de octobre 2022 à mai 2023 à celle allant d'octobre 2023 à mai 2024, on constate une baisse de 56% des demandes de laisser-passer pour des raisons de santé et de 22% des délivrances de permis), il devient difficile de bouger pour aller chez le docteur ou à l’hôpital. Un trajet qui durait 15 minutes dure maintenant une heure. Et les Palestiniens tombent dans la pauvreté car beaucoup ont perdu leurs boulots dans les colonies par exemple, ils ne peuvent donc plus payer leurs déplacements pour se soigner.
On note aussi un accroissement de la violence : 619 attaques ont été commises par les militaires israéliens sur des infrastructures de santé depuis le 7 octobre en Cisjordanie, et 450 ambulances ont été attaquées par l'armée israélienne. À Jénine, l’armée a aussi détruit les infrastructures d’accès à l’eau. Comment dans ce contexte rester en bonne santé ? Il ne faut pas oublier aussi les problèmes de santé psychologique. Beaucoup de civils souffrent d’insomnie et de stress post-traumatique.

Pourquoi est-ce important de continuer à prôner cet accès à la santé pour tous ?

A. A. R. : C’est ce qui fait le cœur de notre action à PHRI : tout le monde a droit à la santé sur ce territoire entre la mer Méditerranée et la mer Morte, qu’il soit Israélien, Palestinien, prisonnier ou réfugié. C’est un droit de l’homme. Bien sûr, nous sommes plus aux côtés des Palestiniens, mais parce que ceux-ci sont les plus affectés sur le plan sanitaire. Ça fait sens.

Mais nous travaillons aussi avec des civils israéliens. Par exemple, nous avons été les premiers à ouvrir une clinique mobile dans la région de la mer Morte où les victimes des kibboutz attaqués le 7 octobre ont été déplacés. Ici ce sont nos bénévoles docteurs palestiniens qui soignent des Israéliens. Une victime reste une victime. Tout le monde a besoin d’une aide sanitaire, peu importe sa couleur de peau ou sa religion. Mais c’est vrai qu’avec cette approche globale sur tout le territoire, nous sommes parfois critiqués et vus comme des ennemis par l'opinion publique israélienne.

Nous nous battons pour obtenir des évacuations médicales depuis Gaza.

Comment faites-vous pour prôner un accès égal à la santé pour tous, dans ce contexte tendu ?

Mays Medleg : Déjà avant le 7 octobre, nous dénoncions des inégalités d’accès aux soins qu'on soit Israélien ou Palestinien. Nous prônons que tous ceux qui vivent sous la responsabilité d’Israël doivent avoir accès à la santé. Pour l’heure, nous nous battons pour obtenir des évacuations médicales depuis Gaza. Nous avons porté plainte devant la Haute Cour de justice israélienne pour obtenir des sorties pour raisons médicales. Sur place, les civils meurent faute de soins. Des enfants doivent être soignés avec des cathéters pour adultes, car il manque du matériel. 31 hôpitaux sur les 36 du territoire ont été bombardés voire détruits. 

Face au manque d'équipements et de médicaments et face à la destruction des infrastructures de santé à Gaza, l'une des solutions consiste à mettre en place un corridor humanitaire vers les hôpitaux de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, à établir un système d'évacuation médicale, à respecter et à protéger le droit au retour et à mettre un terme à la séparation des familles. 
En outre, il est essentiel d'autoriser l'aide médicale et humanitaire ainsi que le personnel médical à entrer dans la bande de Gaza sans restrictions. À cette fin, nous faisons pression sur la communauté internationale et venons d'achever une tournée de lobbying à Paris et à Londres.

À terme nous aimerions pouvoir entrer de nouveau à Gaza avec nos cliniques mobiles, mais il faut pour cela une pression internationale. La seule solution à la crise humanitaire et sanitaire est diplomatique.

Urgence humanitaire au Liban, à Gaza et en Cisjordanie : le Secours Catholique se mobilise

Crédits
Nom(s)
Cécile Leclerc – Laurent
Fonction(s)
Journaliste
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