Dans l’Ain, la « Guinguette » conjugue saveurs et énergies
Dès le portail, une banderole orange vif prévient : bienvenue au "repas Guinguette" ! Dans la salle principale, le couvert est dressé. Côté cuisine, un joyeux brouhaha. Des femmes épluchent, coupent et râpent carottes, tomates, céleri. Derrière l'énergie déployée, et la concentration, on ne soupçonne pas le quotidien difficile enduré par certains de ces cuistots bénévoles. « Je vis en foyer, confie Nadia qui élève seule ses deux filles, dont l'aînée est lourdement handicapée. Là-bas, je n'ai pas le droit de cuisiner. »
Aux fourneaux, au service du buffet comme à la plonge, toutes les tâches sont assumées collectivement. Pas de "chef" mais une référente, Bernadette, qui donne le tempo. « Oh, mais là il y a trop de monde en cuisine ! » fait-elle mine de râler. « C'est multiculturel et multi-personnalités ! commente David, occupé à sortir un gratin dauphinois du four. Chacun donne ses idées, on part du simple, du commun. » Les ingrédients proviennent de la Banque alimentaire, récupérés le matin même.
Comme en famille
Alors que le buffet prend forme, les convives arrivent. Des personnes accompagnées dans le cadre de la permanence sociale, des cours de FLE (Français langue étrangère), de couture, d'informatique. José, 63 ans, est un habitué. « Je viens déjeuner ici car il y a du monde. Chez moi, je mange trop vite », dit-il en tapotant son abdomen renflé. Patricia ne manque pas non plus ce rendez-vous hebdomadaire. « C'est mon jour préféré depuis trois ans. À la Guinguette, je me sens entourée, accueillie, écoutée, consolée ! »
Contre 1 euro (plus ou moins, selon les moyens de chacun) glissé dans la tirelire, tout le monde peut s'attabler. Ce jeudi-là, Cyril et Lucile, trentenaires, viennent pour la première fois. « Ça fait deux ans qu'on ne mange qu'une fois par jour », confie Cyril. Il est sans emploi, sa compagne vient d'être expulsée de son logement. « C'est comme un château de cartes : on enlève une carte, et tout s'écroule. Ici, on retrouve un peu d'humanité. »
De temps en temps, des travailleurs du quartier (des dentistes, des notaires...) viennent déjeuner. « Le quartier est partie prenante, ça fait chaud au coeur ! », se réjouit Joëlle, bénévole arrivée récemment dans l'Ain. La Guinguette est aussi un lieu de rencontres, d'où naissent d'autres projets, comme un atelier foot hebdomadaire avec le lycée voisin.
14h. En musique, les bénévoles rangent et nettoient, dont Gaël. De semaine en semaine, ce Centrafricain de 29 ans, en attente de papiers, a contribué à toutes les tâches. « Participer à la Guinguette, ça me permet de m'intégrer, de me faire des amis, et de ne pas ressasser mes problèmes. On se retrouve un peu comme en famille, on partage des choses, on rit ! » Il conclut : « C'est ça le but de la Guinguette ! ».