Des lieux pour accompagner la parentalité

13h30. Dès l’ouverture, le carillon de la porte retentit dans l’entrée de “Grabots, Grabottes” (petits garçons et petites filles, en stéphanois), un lieu de soutien à la parentalité ouvert en 2020 par le Secours Catholique dans le centre de Saint-Étienne. « Comment s’appelle cette demoiselle ? Elle a quel âge ? » demande Chantal, bénévole, aux premières visiteuses qui entrent. Layane, 16 mois, s’élance à petits pas vers la salle de jeux, suivie par sa mère, Aïcha.
« La balle ! » s’écrie Layane en découvrant les ballons suspendus au plafond de la vaste pièce principale aux airs de jardin d’enfants. Le lieu, séparé en espaces d’activités – tapis d’éveil, dînette, parcours… – accueille deux après-midi par semaine jusqu’à dix enfants et leurs parents, encadrés par trois ou quatre bénévoles. Layane s’attable à côté de sa mère, toutes les deux sur des chaises miniatures, et glisse des pièces dans une tirelire. « Quand je lui dis qu’on vient ici, elle aime beaucoup », dit en souriant Aïcha, mère de trois autres enfants. « Le reste du temps, on est surtout à la maison. »

Arrivée aussi à la première heure, Ilhem regarde Maria, 2 ans et demi, jouer avec Marie-Hélène, une bénévole. Âgée d’une trentaine d’années, Maria est mère au foyer, comme la plupart des personnes qui fréquentent le lieu. « À la maison, Maria s’ennuie. Les jouets ne l’intéressent pas. Et moi je ne peux pas jouer avec elle toute la journée, je dois préparer les repas, faire le ménage… » Ilhem et son mari vivent isolés à Saint-Étienne où ils ont emménagé récemment, sans famille ni amis. Leurs parents vivent en Algérie. « C’est très important pour ma fille de voir des personnes qui sont comme des mamies pour elle. Les bénévoles ont beaucoup de patience. Ici, c’est comme une famille. »
15h30. À Châlons-en-Champagne, la “Maison à petits pas”, créée par le Secours Catholique en 1995, ouvre à son tour au pied d’une petite cité. Parmi les familles qui fréquentent le lieu – des mères en majorité –, beaucoup n’ont pas obtenu de place en crèche, car ces structures privilégient les parents qui travaillent. La Maison permet alors aux tout-petits une socialisation précoce. « Au début, elle attrapait le visage des autres enfants, elle les griffait… », relate Kankou en parlant d’Assa-Mia, sa fille de 14 mois. « Mais je vois maintenant qu’elle essaie de les découvrir autrement qu’avec ses mains. » Hazel, une petite de 3 ans, s’approche d’Assa-Mia et lui caresse la joue.

« Vas-y, ma fille, vole de tes propres ailes ! » s’exclame Antoine à l’adresse d’Augustine. Cet infirmier militaire, qui se relaie avec sa femme pour garder leur fille toute la semaine, l’installe au milieu de la pièce et la laisse fouiller dans une boîte contenant des petites voitures. Augustine ne prête plus attention à son père, qui s’écarte pour boire le thé servi aux parents présents. « Depuis que l’on vient ici, observe Antoine, on trouve qu’elle va beaucoup plus vers les autres, qu’elle n’a plus peur. »
À Châlons-en-Champagne, la pause goûter aide les parents à créer du lien entre eux, l’autre mission des accueils parents-enfants. Héloïse, 32 ans, isolée par un récent déménagement, s’y est même fait des amies, comme Kankou, avec qui elle discute du sommeil des enfants. « Se retrouver avec deux petits toute la journée, c’est difficile…, souffle-t-elle. Quand je revois du monde, j’ai l’impression de revivre. »

Alimentation, propreté, sommeil… Les sujets de préoccupation des parents se recoupent souvent. Maud Hallier-Sanchiz passe d’une pièce à l’autre, tour à tour auprès des enfants et des parents. Psychologue, elle effectue des vacations aux côtés des bénévoles. « Vous en pensez quoi, vous ? » dit-elle souvent aux parents qui lui demandent son avis. « Plutôt que de répondre, je les incite à poser la question aux autres parents, explique-t-elle. Le lieu n’a pas de vocation éducative ou thérapeutique, et j’aime cette philosophie inspirée des Maisons vertes de Françoise Dolto. »
18h30. Quand la nuit tombe sur la Maison à petits pas, les enfants quittent un à un la salle de jeux. Barbara rhabille sa fille de 2 ans. Elles partent ensemble chercher à l'école l'aînée de 6 ans qui a elle aussi longtemps fréquenté le lieu. Les parents rangent les jouets avec les bénévoles. Kankou est parmi les dernières à s’en aller. Comme chaque fois qu’elle quitte le lieu, la jeune maman mesure les bienfaits de la Maison sur sa fille, qui somnole dans la poussette. « Le fait qu’elle se défoule, se fatigue physiquement m’aide à lui donner un rythme, ça crée une petite routine, se félicite-t-elle. Je sais que ce soir au moins, elle va bien dormir. »
« Nous sommes au milieu d'elles »
Chantal Jacquemont, bénévole au lieu d’accueil parents-enfants “Grabots, grabottes” de Saint-Étienne
« Nous avons ouvert en 2020, mais le projet était dans les tiroirs depuis une dizaine d’années. Quand il a appris ce que nous voulions faire, l’ancien propriétaire du local en a fait don au Secours Catholique, ce qui a permis de financer l’aménagement et les jeux. Nous avons créé une mini-boutique qui vend des vêtements de puériculture à petits prix. C’est une porte d’entrée pour des familles qui n’oseraient pas venir. L’accueil est anonyme et gratuit. L’objectif est la pré-socialisation des enfants, mais aussi la rencontre entre les mamans qui peuvent alors discuter de ce qui fait la vie quotidienne des parents. Elles sont souvent rassurées d’observer le comportement des autres. Certaines parlent mal le français, mais partagent avec d’autres mères une langue maternelle. Notre rôle à nous, bénévoles, est celui d’une médiation informelle et horizontale. Nous sommes comme elles, au milieu d’elles. Si l’on témoigne, c’est de nos expériences de mamans ou de grands-mères. Il y a une forme d’autogestion par les parents : si un enfant grimpe sur le toboggan, tous le surveillent. On reçoit des mamans qui vivent en foyers de demandeurs d’asile, mais on ne les interroge pas sur leur situation sociale. On ne sait que ce qu’elles veulent bien nous confier. »