En Colombie, anciens combattants et villageois (re)vivent ensemble
Wilmet Pabuena est l'un des 110 membres combattants des Autodéfenses unies de Colombie (AUC) qui ont intégré la communauté de Monterrey en 2006, lors de leur démobilisation.
À cette époque, le gouvernement négocie le dépôt des armes avec les états-majors de plusieurs de ces « groupes d'autodéfense », milices d'extrême-droite nées dans les années 1990 officiellement pour lutter contre la guerilla d'extrême gauche. Les accords prévoient une réinsertion dans la vie civile et un accompagnement psychologique des combattants.
« Nous n'avions pas le choix, raconte Wilmet. Tout avait été négocié avec nos chefs, nous avons su au dernier moment où nous allions être réinsérés. » Une chose le préoccupe beaucoup : comment lui et ses compagnons vont-ils être accueillis par la communauté ? Monterrey ne leur est pas inconnue. Le village de 1500 habitants fait partie des lieux qu'ils ont attaqués. « On entrait et on explosait tout », résume Wilmet, laconiquement. Ils l'ont même occupé à différentes reprises pour se protéger des groupes armés adverses. Finalement, « malgré tout ce que nous leur avions fait, les habitants nous ont bien accueilli. Cela m'a surpris », raconte l’ancien paramilitaire.
Debout à côté de lui, Cesar Gonzalez, 39 ans, opine du chef. Cesar est l'un des piliers de la communauté où il est né et a grandi. Les deux hommes travaillent ensemble dans l’entreprise de production d’huile de palme qui jouxte le village et sont devenus amis.
« L'accueil n'est pas allé de soi », précise Cesar. On l'imagine aisément. Disparitions, viols, assassinats, extorsion... En huit ans, de 1998 à 2006, les paramilitaires ont fait énormément de mal. Cesar raconte avoir perdu deux beaux-frères et beaucoup d'amis, morts parce que soupçonnés d'être des sympathisants des guerilleros.
Dans les négociations menées entre le gouvernement et les chefs paramilitaires, les villageois de Monterrey n'ont pas eu leur mot à dire. L'acceptation parmi eux de leurs anciens tortionnaires fût le fruit d'un long travail de sensibilisation mené par les leaders de la communauté, avec l'aide du Programme de développement et paix dans le Magdalena medio (PDPMM), partenaire du Secours Catholique.
Il n'a pas été question de pardon. Trop tôt. « On a plutôt essayé de convaincre l'ensemble des familles qu'il fallait donner une opportunité à ces jeunes, explique Cesar. Que d'une certaine manière, ces garçons étaient aussi des victimes du conflit, séparés de leur famille, de leur mère. »
Jusqu'à présent aucune confrontation directe n'a été organisée entre les victimes et les anciens bourreaux pour aborder ce qu'il s'est passé entre 1998 et 2006. « On arrivera sans doute un jour à organiser ces confrontations, pense Ubencel Duque Roja, directeur du PDPMM. Aujourd'hui, leurs enfants vont à l'école ensemble, jouent ensemble, vont dans le même hôpital... Nous avons créé les conditions du vivre ensemble, et c'est par ce vivre ensemble que l'on arrive peu à peu à la réconciliation et au pardon. C'est un processus long. »