En Russie, une « hotline » pour aider les travailleurs migrants
Faute d’emplois et de salaires décents, des habitants du Caucase du Sud et d’Asie centrale sont contraints à aller chercher du travail en Russie. Rien qu’au Kirghizistan, 30 % du PIB dépend des transferts de fonds des travailleurs migrants, parmi lesquels 9 sur 10 sont partis en Russie. « Sur place, ils sont victimes de discrimination et tombent dans la précarité. Ils ont alors du mal à faire valoir leurs droits à la santé, au logement, au travail décent », explique Cécile Polivka, chargée de projet dans la région pour le Secours Catholique.
Depuis sept ans, six ONGs partenaires du Secours Catholique (au Kirghizistan, en Ouzbékistan, en Russie et en Arménie) travaillent à sensibiliser les travailleurs dans leurs pays d’origine. « Nous leur enseignons des modèles de comportement en cas de détention, des manières de contacter des avocats ou l’ambassade la plus proche. Car des migrants informés sont mieux protégés contre les violations », explique Asel Karymshakova de l’ONG kirghize Community Integration. Le contact de l’ONG russe Tong Jahoni est ensuite donné aux migrants avec accès à une hotline et à des conseils juridiques sur place à Moscou. 600 000 migrants sont ainsi aidés chaque année dans les quatre pays. « Un tiers des plaintes reçues concerne la détention illégale de migrants. Puis nous aidons à négocier avec l’employeur pour non-paiement de main-d’œuvre, ou avec les autorités pour non-respect d’accès aux soins ou à l’éducation », note ainsi Valentina Chupik de l’ONG russe Tong Jahoni.
Enrôlements forcés en ukraine
Dernièrement, les ONGs ont aussi remarqué que de nombreux travailleurs migrants sont enrôlés de force en Ukraine, en signant, malgré eux, des contrats glissés dans un ensemble de documents administratifs. « La coopération régionale entre ONGs permet d’échanger des informations de ce genre ou des bonnes pratiques. À terme, nous voulons améliorer les politiques migratoires », précise Asel Karymshakova de l’ONG kirghize Community Integration. Les ONGs mènent en effet un travail de plaidoyer dans leur pays en vue de défendre les droits des migrants. Pétitions, protestations, entretiens avec des médias sont de mise. Même s’il est difficile pour la plupart de ces pays de dénoncer les violations des droits de leurs citoyens étant donné leur dépendance vis-à-vis de la Russie.
Des droits bafoués en Russie
Malgré l’existence d’un marché unique de l’Union économique eurasiatique, de nombreux décrets russes, comme la nécessité de s’enregistrer sur le lieu de résidence ou de faire certains examens médicaux, entravent le droit à la mobilité des migrants. « Mon mari Gagik avait calculé que nous gagnerons mieux notre vie à Moscou alors nous sommes partis pour y vendre des fruits, raconte Angela, une Arménienne. Mais il est devenu compliqué de maintenir notre permis de résidence et nous avons dû payer 60 000 roubles pour des examens médicaux pour toute la famille. Ils ont diagnostiqué une syphilis (qui n’existait pas ! ) à ma belle-mère. Tout était fait pour nous extorquer de l’argent. »
Par ailleurs, de nombreux employeurs abusent de l’ignorance des travailleurs migrants en ne leur versant pas un salaire décent. « Il y a une phobie des migrants en Russie, qui vise les personnes d’apparence non slave. Et des lois sont adaptées pour porter atteinte à leurs droits (professions ou endroits interdits, tests médicaux obligatoires…). Par ailleurs, les forces de l’ordre arrêtent les migrants sous prétexte de vérifier leurs documents d’immigration, bien que ces contrôles ne relèvent pas de la compétence de la police », s’insurge Valentina Chupik, de l’ONG Tong Jahoni.
La Russie est le 4ème pays d’accueil des travailleurs migrants dans le monde.