Engagement : « L'action bénévole permet de se réaliser »

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Le Secours Catholique s'appuie sur un réseau de plus de 67 000 bénévoles. Ils sont sa force. À Alès, dans le Gard, Anne-Marie et Jeannine Reboul ont insufflé une dynamique particulière à l'équipe locale du Secours Catholique. Leurs mots d'ordre : souplesse et réactivité.
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Rien à faire, on ne l'obtiendra pas. En tout cas, pas de leur part. Attablées dans la cuisine de l'accueil du Secours Catholique d'Alès, dans le Gard, Anne-Marie et Jeannine Reboul parlent volontiers de leur vie d'avant, celle où Jeannine était travailleuse sociale polyvalente et sa sœur cadre chez France Telecom. Elles racontent, volubiles, leurs souvenirs d'enfance et d'adolescence à Djebel Djerissa, dans le centre de la Tunisie, où leur père était mineur. Elles répondent sans détour à une question indiscrète sur leur célibat : « La vie s'est faite comme ça. » Mais révéler leur âge, jamais ! Une coquetterie que les deux sœurs partagent, en plus de leur engagement bénévole au Secours Catholique et de bien d'autres choses sans doute. L'air de famille n'est pas flagrant au premier coup d'oeil, mais devient de plus en plus perceptible au fil de la discussion.

Des deux Cévenoles se dégagent à la fois un caractère affirmé, une profonde gentillesse et une certaine droiture. « Ce sont des bosseuses », assure Dominique Dumas qui travaille avec elles, complétant ainsi le portrait. Cela fait sept ans qu'Anne-Marie et Jeannine ont « récupéré les clés » du Secours Catholique à Alès. La première comme responsable de l'équipe locale, la seconde comme animatrice de l'atelier de la Bonne Humeur qui réunit entre 20 et 30 femmes environ chaque mercredi après-midi. « Elles ont insufflé une énergie assez exceptionnelle », observe Éric Thimel, responsable du Secours Catholique dans le Gard. Dans cette petite ville de 39 500 habitants, l'association mobilise aujourd'hui 90 bénévoles. « On ne dit jamais non à ce qu'on nous propose, explique Anne-Marie. Parfois, ça ne va pas très loin, mais au moins on tente. »

C'est comme cela que Dominique Dumas a rejoint l'équipe. Le mercredi après-midi, plusieurs femmes viennent avec leurs enfants dont certains ne parlent pas couramment le français. Pédiatre à la retraite, spécialiste des troubles de l'apprentissage, Dominique a alors proposé de mettre en place pour ces enfants un atelier “bain de langage” par le jeu. Accepté. Une autre fois, c'est une femme pratiquant la réflexologie qui est venue offrir ses services. « On a dit OK. Depuis, un soir par semaine, elle fait bénévolement des massages de pieds. » Dernier exemple en date, des séances de land art animées par une Anglaise installée à Alès. « Nous nous promenons dans la campagne, décrit Anne-Marie. Et à partir de pierres et de morceaux de bois, nous créons des œuvres éphémères que nous prenons en photo. »

 

L'action bénévole permet de se réaliser. Il faut être attentif à ceux qui ont besoin de faire.

 

Être « souples et réactifs », ces deux mots reviennent comme un mantra dans la bouche de la responsable de l'équipe locale. C'est indispensable, selon elle, pour créer une dynamique qui va drainer vers l'association « des personnes qui ont des idées super ». Et puis, ajoute-t-elle, « l'action bénévole permet de se réaliser. Il faut être attentif à ceux qui ont besoin de faire ». Donner l'opportunité d'agir, c'est aussi cette idée qui a inspiré Jeannine pour monter son atelier de la Bonne Humeur. Après une carrière dans le social essentiellement axée sur l'accompagnement individuel, elle était attirée par l'action collective. « Je n'avais plus envie d'être dans la position de l'aidant qui sait, qui décide, explique-t-elle. J'avais envie d'un atelier où la parole circule, où chacun réfléchit, exprime des besoins et propose des solutions. »

Peinture, chant, cuisine, gym... Chaque activité émerge de demandes au sein du groupe. La mise en place est aussi le fruit de décisions collégiales. « Sur tous les aspects, précise Jeannine. Qui veut participer ? Quel jour choisit-on ? Qui a des compétences pour aider les autres ? De quel matériel a-t-on besoin ? » Au lieu de faire “pour”, les deux sœurs préfèrent faire “avec”, note Dominique Dumas. « Et c'est d'ailleurs ce qui m'a donné envie de les rejoindre. » Au Secours Catholique, Anne-Marie a découvert des situations de pauvreté qu'elle n'avait jamais imaginées. Ce qui l'a le plus marquée ? « L'isolement. Je ne pensais pas que c'était à ce point. Et ça touche toutes les couches de la société. »

Jeannine, elle, connaissait déjà la grande précarité qu'elle avait côtoyée au quotidien pendant des années. « Mais au Secours Catholique, mon regard sur les personnes s'est affiné, observe-t-elle, dans la mesure où je les vois changer. » Dans la pièce voisine, un brouhaha commence à poindre. C'est l'heure de l'atelier de la Bonne Humeur, nous sommes mercredi. Jeannine s'apprête à nous quitter pour rejoindre le groupe d'une vingtaine de femmes venues pour l'atelier coiffure et maquillage : « On prépare un défilé. »

Elles  sont algériennes, marocaines, albanaises, ukrainiennes, arméniennes, azéries, tchétchènes... Pas loin d'une dizaine de nationalités sont représentées. Dans ce foisonnement interculturel, Jeannine est dans son élément. « J'ai toujours connu cela, explique-t-elle. En Tunisie, nos camarades d'école étaient chrétiens, juifs et musulmans. J'ai découvert le racisme en arrivant en France quand j'avais 18 ans. » C'était en quelle année ? Jeannine a flairé le piège. Elle esquive, malicieuse : « Vous êtes coquin, vous ! » Elle précise : « En service social, on voit les situations évoluer mais on ne voit pas que les gens changent aussi. Et percevoir cela, c'est incroyable. »

Crédits
Nom(s)
Benjamin Sèze
Fonction(s)
Journaliste rédacteur
Nom(s)
Vincent Boisot
Fonction(s)
Photographe
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