Froid : auprès de ceux qui vivent à la rue

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Plusieurs soirs par semaine, les bénévoles du Secours Catholique-Caritas France sillonnent la capitale. Reportage avec l’une des équipes, à la rencontre des familles à la rue.
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Place de l’Odéon, à 19 h, le froid est mordant et le vent glacial en ce lundi soir. Au pied de la statue de Danton, le point de ralliement, Nicolas, Andrei et Amélie commencent leur tournée de rue. « L’objectif de ces tournées est d’échanger avec les familles, de comprendre leur situation et leurs besoins. Ce n’est qu’après plusieurs semaines de contacts réguliers que nous mettons en place un accompagnement », indique Nicolas, bénévole au Secours Catholique depuis vingt et un ans. Accès au logement, aux soins, à la scolarisation..., les démarches engagées sont multiples et visent toutes le même but : l’intégration.

Boulevard Saint-Germain, sous deux maigres couvertures, un homme et une femme tiennent contre eux un garçonnet endormi et une fillette qui s’agite joyeusement, entre éclats de rire et quintes de toux. « C’est la première fois que nous les voyons », note Nicolas en s’approchant avec un sourire.

Dans les poubelles, ils leur trouvent parfois des fournitures scolaires et des vêtements
Andrei


Les trois bénévoles n’offrent rien d’autre que de leur temps. Assis sur le trottoir, ils entament une conversation avec le couple. La famille est en France depuis deux ans et demi. «  En Roumanie, ils habitaient un village où il n’y a rien. Là-bas ils n’avaient certains jours pas de quoi manger. Ici, ils trouvent toujours quelque chose, même si ce n’est parfois que du pain et du thé », traduit Andrei, étudiant d’origine roumaine qui termine une thèse d’informatique en France. «  Leur fils de 3 ans est atteint de nanisme, il doit suivre un traitement à vie. » Comme beaucoup d’autres, ils font régulièrement des allers-retours avec la Roumanie, où leurs deux filles aînées sont scolarisées et vivent chez leur grand-mère. « Dans les poubelles, ils leur trouvent parfois des fournitures scolaires et des vêtements  », ajoute Andrei.

Après une trentaine de minutes d’échanges, les bénévoles repartent, avec l’espoir de rencontrer de nouveau la famille dans l’un des lieux qu’elle leur a indiqués.

 
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Le camp ou la rue

La tournée se poursuit dans les rues du 6e arrondissement. « Entre la météo très froide et la police, beaucoup ne sont plus aux endroits où on a l’habitude de les voir, soupire Nicolas. Traditionnellement, trois tournées ont lieu chaque semaine à Paris, dans les quartiers de Bastille, de République et d’Odéon, mais en ce moment les bénévoles étendent leurs maraudes aux 12e, 13e et 5e arrondissements. »

Les personnes sans domicile sont souvent très seules.


« Tiens, je connais ce monsieur, il s’appelle Laurent, et son chien Monaco », note Nicolas, apercevant un homme couché dans un duvet, sous les arcades du marché Saint-Germain. « Je participe aussi aux tournées “classiques” destinées aux sans-abri, précise le bénévole. Les problématiques ne sont pas les mêmes. Les SDF souffrent souvent d’une grande solitude. Le Secours Catholique de Paris a un accueil de rue à Châtelet et gare du Nord, ouvert tous les jours, toute l’année, de 20 à 22 h. On n’y offre qu’une boisson, mais beaucoup viennent y chercher surtout du lien », explique-t-il en continuant d’arpenter le quartier quasi désert.

Plus loin, rue Saint-Antoine, entre Saint-Paul et Bastille, un jeune couple est adossé à une grille d’aération qui souffle de l’air chaud par intermittence. En voyant l’équipe de bénévoles approcher, le visage de la jeune femme s’éclaire. « C’est Liliana ! » annonce Nicolas en souriant. Les retrouvailles sont chaleureuses. « Cela fait plusieurs mois que l’on se connaît, indique Nicolas. Leurs enfants sont en Roumanie. Ici, en mendiant, ils survivent.  » Ce soir, Liliana et son mari dormiront probablement dans la rue.

Les conditions y sont encore plus précaires que dans les camps. Mais ces derniers sont loin de la capitale, et coûteux : il faut payer son baraquement, mais aussi diverses rétributions à ceux qui “tiennent” les lieux. De plus, certains considèrent que le danger y est plus grand. « Les Roms qui mendient sont en bas de l’échelle. Les camps sont tenus par les proxénètes et les voleurs  », affirme Liliana, qui a par ailleurs été traumatisée par l’expulsion violente du bidonville où elle s’était installée. « Sa sœur, Marianna, en France elle aussi, considère au contraire que vivre dans un bidonville est la solution la moins mauvaise, observe Nicolas. La rue lui semble plus risquée. ».

Une alternative indigne, mais inéluctable tant que persistera la crise de l’hébergement.

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Nom(s)
MARINA BELLOT
Nom(s)
Crédits photos : © Christophe Hargoues / Secours Catholique-Caritas France
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