Gaza : Le sport pour surmonter le handicap
C’est à Deir Albalah, dans le centre de la bande de Gaza, que l’association Palestine amputée football (PAFA) forme en 2018 la première équipe de joueurs mutilés du territoire. La plupart d’entre eux ont été victimes d’un tir de soldat israélien au cours d’une offensive militaire sur l’enclave palestinienne.
Depuis, l’initiative portée par l’association Palestine amputée football et soutenue par le Secours Catholique a essaimé à travers la bande de Gaza. L’organisation accompagne aujourd’hui cinq équipes de football, réparties du nord au sud du territoire. En tout, ils sont 80 mordus de ballon rond, âgés entre 16 et 45 ans, à suivre les entraînements dispensés chaque semaine par des bénévoles de la PAFA et à prendre part au championnat national organisé par l’association. Certains d’entre eux aimaient déjà tâter du cuir et ont dû apprendre à jouer autrement tandis que d’autres n’avaient encore jamais pratiqué de sport.
En chaussant des crampons, ces personnes se reconstruisent sur le plan à la fois physique, psychologique et social, estime Iyad Alasttal, bénévole à la PAFA. « Notre rôle c’est d’aller vers eux pour les sortir de la solitude dans laquelle ils se sont enfermés et retrouver du plaisir », explique le réalisateur du documentaire « Gaza, balle au pied ».
Le projet vise également à encourager les plus jeunes à faire de l’exercice en dépit du manque d’infrastructures dont souffre la bande de Gaza, éprouvée par 16 années de blocus. Handball, basketball, natation, cyclisme… Une trentaine d’enfants amputés, des filles et des garçons entre 6 et 16 ans, ont ainsi la possibilité de s’initier à une dizaine d’activités sportives. Comme pour les adultes, la PAFA prend en charge le déplacement de ces apprentis sportifs et leur met à disposition l’équipement nécessaire : location de stades privés, maillots, ballons, béquilles adaptées etc. « Le sport est un droit, autant pour les personnes valides que les non-valides, autant pour les filles que les garçons », souligne le documentariste.
Dans un territoire qui compte plus de 75 000 habitants en situation de handicap moteur ou visuel, le sport peut aussi contribuer à faire évoluer les mentalités. « Le regard est en train de changer. Quand un individu croise dans la rue une personne amputée avec un sac à dos qui s’avance avec des béquilles derrière un ballon pour aller à un entraînement de football, il n’est plus choqué. Il le respecte même », remarque Iyad Alasttal.
Pour accompagner ce changement, l’association investit depuis quelques semaines les écoles publiques. Dans les cours de récréation, elle organise des parties de football entre enfants amputés. « Nous avons de bons retours. Les enfants se sentent valorisés et fiers parmi les autres élèves », se réjouit le bénévole.
Le sport, vecteur d'émancipation
Le secours Catholique, en partenariat avec la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) et plusieurs acteurs associatifs issus de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MONA), lance « Sport pour tous et toutes », un projet visant la transformation sociale. Aurore Faivre, responsable du pôle MONA au Secours Catholique, explique : « Le sport permet autant de faire évoluer le regard de la société sur le handicap que sur les questions de genre ».
L’objectif de ce projet commun, qui se déroulera en Palestine, au Liban, en Égypte, en Jordanie et en France durant les trois prochaines années, est de renforcer le pouvoir d’agir des populations vulnérables – femmes, personnes en situation de handicap, personnes réfugiées – par le biais de l’accès aux pratiques sportives. « Le sport est vecteur d’émancipation », avance Aurore Faivre, qui décrit un effet boule de neige : « En revendiquant leur droit à faire du sport les personnes mobilisées prennent conscience qu’elles peuvent se mobiliser pour faire valoir d’autres droits et répliquer cette expérience dans d’autres sphères de leur vie. C’est le cas à Hébron (ndlr. en Cisjordanie) où des femmes, qui participent à des cours de natation, se mobilisent pour d’autres droits comme se retrouver dans l’espace public et de mettre en place d’autres activités pour elles ».