Jardin partagé : un samedi au vert
Nul besoin de frapper : comme tous les samedis, le portillon du jardin Notre-Dame des murs à pêche, à Montreuil, est ouvert. La parcelle luxuriante s’étire en longueur, cernée par les vestiges des murs, classés au patrimoine, qui ont abrité la culture des fruitiers ayant fait la renommée de la ville. Aujourd’hui, le jardin vit au rythme des retrouvailles d’un groupe fréquentant la maison Saint-Ambroise du Secours Catholique, à Paris. Delphin fait le tour du propriétaire. Arrivé comme accueilli, le voilà responsable du jardin. Autodidacte, il a été moteur de son aménagement dans un esprit « sauvage » : l’espace fleuri, celui du repas avec sa cahutte de bois, et, tout au fond, le potager, dont la récolte est dégustée sur place ou distribuée aux tables partagées. Le sexagénaire, originaire du Congo, montre fièrement les toilettes sèches, le compost et le système de récupération d’eau à l’aide de roseaux filtrants. « L’urgence, c’est de donner de l’eau ! », observe – t –il devant les rangs de haricots assoiffés. Cela tombe bien, des camarades arrivent : Fidji, Thierry, Eric, Philippe, Henri…
Après quelques coups d’arrosoir, l’heure est à la préparation du repas. Henri s’attèle au barbecue, Delphin au riz pilaf. Eric, lui, a installé son clavier sous le barnum et entame une chanson. « On respire l’air frais ici, loin du béton, de la pollution, apprécie celui qui joue dans le métro parisien. Ça me rappelle mon village au Nigeria. » Après le repas, Philippe pique une sieste ; Thierry, champion de dames, dispute une partie avec Panini, d’origine sri-lankaise. « Je vis dans un studio de 12m2, alors ici je respire, je vois du monde, souligne ce dernier. Je viens pour m’amuser, discuter, jouer… et jardiner un peu ». Fidji fait vaillamment des allers-retours avec un arrosoir. Ce Réunionnais est hébergé ici et là, quand il ne dort pas dans la rue. « Le jardin permet de décompresser, car en ville, il faut toujours surveiller ses affaires, on n’a pas l’esprit tranquille. »
Tuyau à la main, Medhi, 30 ans, sans logement depuis son arrivée en France il y a quelques mois, abreuve les parterres de fleurs. Est-ce que cela lui change les idées ? « J’ai beaucoup de choses en tête, répond-il, ma famille au Maroc, le travail qu’il faut que je trouve, mon rêve d’être chanteur … C’est pas facile. » Jacques, un bénévole, aimerait que davantage de personnes tirent profit du jardin. « Même si ce n’est pas pour cultiver… L’important, c’est ce qu’on vit ensemble ».