La spiritualité pour résister à l’extractivisme
Dégrader l’environnement est « un crime contre la nature, contre nous-mêmes et un péché contre Dieu », écrit le pape François dans son encyclique Laudato Si. C’est aussi cette conception qui anime le réseau Iglesias y Mineria, présent dans différents pays d’Amérique latine (Brésil, Chili, Argentine, Colombie, Pérou, Équateur, Honduras, Mexique, Guatemala, Salvador, Panama, Bolivie). Aux yeux de cette plateforme d’ONGs chrétiennes, les activités extractives sont un crime car elles provoquent « une destruction violente de la nature dans le but d’accumuler des profits et elles ravagent les peuples et les territoires »** , et cela est particulièrement le cas dans les pays d’Amérique latine.
« Nous voyons chaque jour dans nos pays que le corps de la Terre Mère et les corps des peuples souffrent de dévastation et de mort lente. L’exploitation des terres comme l’extractivisme ou les monocultures porte dommage à l’eau, l’air, les forêts et les animaux », s’émeut Rosa Araoz, une Argentine. « Retirer la terre, c’est comme retirer le fruit de ses entrailles à une mère », en ce qui concerne les peuples autochtones, « c’est une amputation écologique » peut-on encore lire dans le livret**.
Une force pour résister
Alors, dans la suite de la crise du coronavirus et la multiplication des réunions en ligne, Iglesias y Mineria a mis en place des groupes de réflexion dits "éco-spirituels" dans lesquels des personnes aux confessions diverses se réunissent à distance : « il s’agit d’un espace sacré pour s’animer, se donner du courage et se soutenir. Nous faisons ainsi de nos spiritualités une force pour résister. », explique Viviana Vaca, missionnaire laïque qui vit en Argentine avec le peuple Mapuche. « Nous sommes en communion avec d’autres formes de spiritualité, c’est une façon pour moi de lire l’Évangile de Jésus, et l’Esprit se manifeste car tous les peuples de la planète luttent alors ensemble pour défendre la terre. », poursuit Moema Miranda, Brésilienne, docteure en philosophie et professeure à l’Institut théologique franciscain (Instituto Teológico Franciscano).
Un groupe de lecture de la Bible plaît particulièrement à Rosa : « L'idée, c’est de réfléchir ensemble à comment lire ce texte sacré, tout comme nous pensons que les traditions des peuples qui vivent chez nous sont également sacrées ». Pour Iglesias y Mineria, ce sont de tels groupes spirituels - « ces groupes d’amour » comme se plait à les désigner Moema - qui peuvent permettre d’obtenir des victoires. Ce fut ainsi le cas en Argentine pour le peuple Mapuche de Loncopué, contre une entreprise chinoise d’exploitation du cuivre en 2012, alors qu’à l’époque une trentaine de personnes de spiritualités différentes s’étaient mobilisées par des rencontres virtuelles via zoom.
La Bible est cosmophile
Alors certes, le combat est difficile, c’est un peu « David contre Goliath », reconnaît Viviana. Mais cette mobilisation est aussi une manière pour l’Église catholique de se réconcilier avec elle-même, pense Moema : « L’héritage colonial nous avait éloigné de notre appartenance à la terre. C’était cosmophobique. Alors que la Bible est cosmophile : nous y lisons que nous, les humains, sommes en communion avec la nature. » « Avec notre mobilisation pour défendre l’environnement, nous revenons ainsi à la maison, comme le fils prodige de la Bible », conclut-elle.
*qui signifie « Églises et activités minières »
**extrait tiré du livret « Théologies, écologies et extractivismes » publié en 2022 par Iglesias y Mineria
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