Le Secours Catholique adapte son action en Nouvelle Calédonie

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En Nouvelle Calédonie, face à l’explosion de violence récente, le Secours Catholique réorganise son action pour apporter des réponses mieux adaptées à l'urgence. Entretien avec Jean-Yves Lemenant, président de la délégation de Nouvelle-Calédonie.
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Secours Catholique : Vous vivez en Nouvelle-Calédonie depuis plus de quarante ans. Vous connaissez donc bien ce territoire lointain qui vient de connaître sa pire période de violence depuis les accords de Matignon de 1988. Quel regard portez-vous sur ces événements ?

Jean-Yves Lemenant : La situation en Nouvelle-Calédonie est grave. Elle est la conséquence d’un passage en force d’un texte de loi qui a déplu aux Indépendantistes. Ce texte voulait réparer une injustice : l’interdiction faite, à ceux qui non natifs de Nouvelle-Calédonie mais habitants le territoire depuis plus de dix ans, de participer au vote des institutions locales. Avec pour conséquence l'intégration de milliers de nouveaux électeurs sur les listes électorales, risquant de bouleverser un équilibre politique fragile dans les institutions locales. Les Kanaks y ont vu un phénomène de "recolonisation". C’est ce qui a déclenché les violences et occasionné des dégâts estimés à un milliard d’euros, l’équivalent de deux ans du budget de la Nouvelle-Calédonie. Des milliers de personnes se retrouvent au chômage technique et on ne sait pas comment ils, pourront être indemnisés car, depuis que le territoire est autonome, ce sont les cotisations des Calédoniens qui alimentent, à 80%, les caisses sociales du chômage.

Les personnes les plus touchées sont celles qui ont perdu leur emploi mais aussi les 300 sans-abris de Nouméa.

Quelle est la situation du Secours Catholique de Nouvelle-Calédonie en cette période de crise ?

J.-Y. L. : Le principal local de la délégation du Secours Catholique à Nouméa n’a pas été touché, pour l’instant. En revanche, une maison qui nous avait été léguée a été incendiée et totalement détruite. Le local principal est un grand dock (hangar) de 900 mètres carrés sur deux niveaux dans un quartier sensible où il y a encore des poches de résistance à la paix civile. Au rez-de-chaussée, nous avons nos stocks :  produits alimentaires, linge, meubles, livres, et une boutique solidaire. À l’étage, il y a nos bureaux. Cette situation a bouleversé notre façon d’aider. Jusqu’ici nos actions ciblaient les personnes fragilisées par des catastrophes naturelles, comme après le passage d’un cyclone, ou les personnes que nous signalaient les CCAS. Aujourd’hui, nous avons généralisé la distribution alimentaire à partir de nos stocks et des dons reçus. Nous distribuons également des cartes alimentaires d’une valeur équivalant à 80 euros. Ces cartes permettent d’acheter les biens de première nécessité (avec quelques restrictions, notamment l’alcool et le tabac).

Quelles sont les personnes les plus touchées par la situation actuelle et quelles sont vos forces sur le terrain ?

J.-Y. L. : Les personnes les plus touchées sont celles qui ont perdu leur emploi, bien sûr, mais aussi les quelques 300 sans-abris de Nouméa. Nous avons plusieurs équipes qui vont à leur rencontre. Pour ceux qui peuvent venir jusqu’à nous, nous leur distribuons une aide alimentaire directement dans des locaux qui nous sont prêtés. À Nouméa, nos équipes distribuent l’aide alimentaire dans un local prêté par l’archevêché, dans un quartier relativement calme. 
Nous disposons également de plusieurs points d’accueil sur l’ensemble du territoire calédonien, lieux prêtés par les paroisses ou par les mairies, en fonction des équipes. Si nous disposons d’environ 250 bénévoles sur tout le territoire, nos équipes sont aujourd’hui réduites à quelques dizaines. Nous travaillons avec les collectivités, principalement la Province Sud, et d’autres associations comme la Croix-Rouge ou Saint-Vincent de Paul, ou encore avec Macadam, une association qui aide les sortants de prison à éviter de se retrouver sans-abri, comme c’est souvent le cas.

Quelles prévisions faites-vous pour les semaines, les mois à venir ?

J.-Y. L. : Nous nous préparons à poursuivre l’aide massive qui répond aux besoins fondamentaux, pour que chacun puisse manger à sa faim. De nouveaux bénévoles s’impliquent en ce moment. Le fait d’avoir des actions concrètes permet de tisser des liens avec ceux qui sont en difficulté, crée de la fraternité et donne du sens. Nous avons besoin de l’aide de toutes les collectivités : communes, provinces, État.  Nous avons besoin d’un retour rapide à la paix. Au Secours Catholique, il faut que nous soyons des artisans de paix.  

Crédits
Nom(s)
Jacques Duffaut
Fonction(s)
Journaliste
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