« Le sport, c'est ma vie ! » : Khadija, coach de foot engagée
Un samedi matin, sur un terrain de football dans le parc de Vincennes. L’équipe composé de personnes en galère, mais aussi de salariés et de bénévoles de la délégation de Paris s’entraîne sous les encouragements de Khadija, la coach. « Allez, allez, on souffle ! » Le petit bout de femme détonne au milieu d’une équipe masculine. Cheveux teints en blond, piercing sur l’arcade sourcilière et lunettes de star, Khadija ne passe pas inaperçue : « Quand j’étais petite et que j’allais au stade, je rêvais que les gens crient mon nom ! d’ailleurs, je suis unique : je suis gauchère mais je joue du pied droit. »
Droite dans ses baskets, Khadjia sait ce qu’elle veut et fait taire ceux qui disent que le foot, c’est pour les hommes : « J’ai aussi voulu être entraîneuse pour montrer qu’une femme n’est pas née pour être juste à la maison ! ». Chez Khadija, le foot c’est une passion d’enfant et même une histoire de famille… Née dans un quartier populaire à Oran en Algérie, la petite joue au ballon rond dans les années 80 avec ses voisins, filles et garçons confondus. Elle se rend souvent au stade avec ses frères et son père, lui même ancien professionnel de l’équipe nationale algérienne.
Lorsqu’il meurt alors que Khadija n’a que 12 ans, la jeune fille se fait la promesse qu’il sera fier d’elle, de là-haut. Elle intègre des clubs de football, se lance dans des études au CREPS (centre de ressources, d'expertise et de performance sportive) pour être éducatrice-coach et est même sélectionnée dans l’équipe nationale algérienne en 1995. Mais pas facile de vivre du football quand on est une femme en Algérie… Alors, comme « jusqu’à un certain âge, on ne pense qu’à soi, et après on pense à sa famille », Khadija décide de partir, une fois le diplôme en poche, pour pouvoir soutenir sa mère malade. Elle débarque en France en 2014, sans se douter que le chemin de la migration est semé d’embûches.
« Le plus dur, c’est la solitude » confie-t-elle. Heureusement, un jour, elle croise la route du Secours Catholique : « à un arrêt de bus, j’ai aidé une femme âgée qui saignait, je l’ai accompagnée à la pharmacie et elle m’a parlé du Secours Catholique, me disant que je pourrais y faire du bénévolat. » C’est comme ça que Khadija est « recrutée » pour devenir l’entraîneuse du club de foot de Paris : « Ce que j’aime avec cette équipe, c’est qu’on ne voit pas la différence entre un bénévole, un migrant, un salarié… On est tous mis au même niveau avec le football. »
Avant tout, Khadija veille à transmettre les règles du jeu, et l’esprit d’équipe, elle se dit elle-même carrée : « ça me touche quand un joueur fait une faute. Je leur apprends le respect, c’est important. » Les entraînements le samedi se terminent toujours par un repas convivial et les liens sont forts entre les membres de l’équipe : « Je ne suis pas seulement coach, je suis une psychologue, je suis une amie qui essaie aussi d’écouter et d’aider les joueurs. Ils m’appellent souvent. » Une sorte de maman des joueurs ? « On peut dire ça », rit-elle.
Le bénévolat de Khadija ne s’arrête pas là : le mardi matin, elle aide aussi à l’accueil de jour du 128 rue d’Aubervilliers. Son bilinguisme arabe-français est précieux pour mieux orienter les personnes d’origine étrangère : « Les gens viennent avec leurs lourds bagages et moi je suis à la fois leurs oreilles et leurs yeux. Je leur apporte aussi mon sourire, et je suis toujours soulagée quand je vois quelqu’un me rendre ce sourire, ça me fait plaisir de faire plaisir ! ». Mais Khadija n’oublie pas son objectif : aider sa maman. Grâce à un contact obtenu au Secours Catholique, elle travaille désormais dans une pizzeria à Paris... sauf les mardis et samedis matins ! Hors de question de laisser tomber le Secours Catholique : « Ils m’ont ouvert les bras quand j’étais en galère, ils sont toujours là pour moi, c’est ma deuxième famille. »
Son rêve désormais : obtenir enfin le sésame des papiers pour pouvoir avoir son propre logement (« mon espace à moi ») et arrêter de dormir chez des amis ; et aussi pour pouvoir voyager et retourner voir sa mère en Algérie. Son mère...et son fils : un garçon de 10 ans à qui elle envoie régulièrement des ballons de football. Elle l’a confié à sa famille et il lui « manque grave ». Elle espère qu’il le rejoindra un jour, « quand ça ne sera plus la galère ». On n’en saura pas plus. Khadija veille à garder son jardin secret . On devine les blessures enfouies tout au fond... Mais le sourire reste, grâce au football : « le sport c’est ma vie : il me donne du bien-être et me permet d’oublier mes soucis. Khadi sans le sport, c’est pas Khadi ! »