Martinique : avec les plus précaires contre la vie chère
« Déjà, en 2009, un mouvement comparable à celui d’aujourd’hui avait été créé, se souvient Sylvie, Martiniquaise de 47 ans. Finalement, nous avons été floués et avec le Covid, les prix se sont de nouveau envolés. » Au chômage depuis quelques mois, et élevant seule sa fille de dix ans, Sylvie, accompagnée par le Secours Catholique à Fort-de-France, espère que les revendications portées par le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (Rpprac) - collectif spécialement créé pour mener la lutte contre la flambée des prix - finiront par aboutir.
« Il y a longtemps que j’attendais qu’un groupe se lève pour revendiquer une meilleure qualité de vie, explique Sandra, 59 ans, caissière dans un supermarché, bien placée pour observer la hausse des prix. En Martinique, nous souffrons de prix exorbitants, se plaint-elle. Des prix qui peuvent doubler d’une semaine à l’autre. C’est injuste. Le combat de Rpprac est un combat pour une juste cause. Nous sommes très nombreux à soutenir ce mouvement qui est pacifique et qui nous donne du courage et de l’espoir. » Actuellement, les prix des biens de consommation sont vendus en moyenne 40 % plus chers qu’en métropole.
Les jeunes et les plus âgés touchés
Comme Sylvie, Sandra fréquente le Secours Catholique de Fort-de-France. L’association caritative fait face, depuis la rentrée de septembre, au doublement des demandes d’aide d’urgence. « Nous vivons une situation de crise extrême, constate Alfred Nourel, animateur depuis près de trente ans au Secours Catholique local. Les prix, depuis deux ans, ont flambé, atteignant parfois des augmentations de 80 à 100 %, poussant les jeunes (très impactés par le chômage) et les personnes âgées à venir plus nombreux demander notre aide. »
Alfred Nourel se dit très préoccupé par les personnes âgées : « Souvent très en dessous du seuil de pauvreté, nos anciens vivent une grande précarité. La moindre augmentation des prix a un impact immédiat sur la qualité et la quantité de leur alimentation. On n’est plus alors dans la malnutrition, mais dans la dénutrition. »
L’alimentation est au cœur des préoccupations d’une population fragilisée. Mais d’autres produits nécessaires sur l’île sont vendus à des prix qu’aucune taxe, octroi ou coût du transport ne saurait expliquer, selon le salarié du Secours Catholique. « Les pièces automobiles, cite–t-il, sont jusqu’à 400 % plus chères qu’en France métropolitaine », alors que la voiture est souvent indispensable pour se déplacer sur l’île où les transports en commun sont insatisfaisants.
Prix planchers dans les épiceries solidaires
Les épiceries solidaires du Secours Catholique de Martinique maintiennent des prix planchers qui sont environ 95 % moins cher que les prix du marché, souligne Alfred Nourel, qui précise que des moyens supplémentaires ont été accordés aux équipes dispersées sur le territoire martiniquais pour qu’elles puissent mieux répondre aux demandes d’aides d’urgence. Par ailleurs, « des institutions comme la Direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DEETS) et la Collectivité Territoriale de Martinique ont quasiment doublé les subventions accordées ces deux dernières années afin de nous permettre de faire face à la forte augmentation des dépenses alimentaires qui résulte de la hausse des prix conjuguée à la hausse du nombre de bénéficiaires. » « La facture sociale va s’aggraver, ajoute le salarié. Les violences des dernières semaines ont provoqué la fermeture de certaines entreprises et ont mis au chômage bon nombre de personnes. »
Le Secours Catholique de la Martinique mène une réflexion sur la question de l’accès à l'alimentation, à laquelle sont associées les personnes en difficulté. Comment dans une situation aussi difficile trouver des solutions ? Certaines sont déjà à l’œuvre comme dans les jardins solidaires, ou lors des ateliers-cuisine en lien avec les épiceries solidaires. Mais depuis septembre, les routes coupées par les manifestants rendent plus difficile le déplacement des bénévoles et donc l’accès aux personnes en difficulté.