Ouzbékistan : protéger les travailleurs migrant en Russie
Poussés par un manque d’opportunités professionnelles et par un niveau bas des salaires, ils sont chaque année plusieurs millions, parmi lesquels de jeunes diplômés, à quitter l’Ouzbékistan pour la Russie, à la recherche d’un emploi saisonnier ou pérenne. Les travailleurs ouzbeks constituent même le plus grand groupe au sein de la communauté centrasiatique établie en Russie. On les retrouve à des postes pénibles sur les chantiers de construction, dans les champs agricoles ou au volant d’un taxi. La majorité d’entre eux vivent dans les grandes villes russes mais ils sont de plus en plus nombreux à décider de s’installer dans les régions ukrainiennes annexées, motivés par des salaires plus attractifs. « Leur seule solution, c’est d’émigrer » car le niveau de création d’emplois dans leur pays n’est pas assez élevé pour répondre à la demande galopante, avance Oliya Ilmuradova, la directrice de Barkaror Hayot, une organisation non-gouvernementale ouzbèke qui vient en aide aux populations migrantes.
Formation dans les aéroports
Depuis quelques semaines, l’ONG investie la salle d’embarquement de l’aéroport de Karchi, situé au sud-est de l’Ouzbékistan, une région déshéritée. Objectif : aller à la rencontre de travailleurs en partance pour la Russie afin de les tenir informés de leurs droits, des procédures administratives obligatoires à suivre à leur arrivée ainsi que des problèmes de santé courants. « Ils sont détendus, ils attendent leur vol, raconte la directrice. C’est le bon moment pour attirer leur attention ». Les équipes se déplacent pour cela avec des tableaux mobiles et interactifs, « une sorte de kiosque à informations sur roue ».
Les personnes migrantes qui ne maîtrisent pas la langue russe sont les plus vulnérables.
L’organisation, partenaire du Secours Catholique, déploie ces campagnes de sensibilisation depuis déjà plusieurs années dans les aéroports de Termez et Namangan, deux autres régions sous-développées du pays. Il est important de prévenir les personnes migrantes « de la nécessité de se conformer à la loi afin de leur éviter de se retrouver dans des situations d’exploitation ou d’abus une fois sur place, précise Cécile Polivka, chargée de projets au Secours Catholique. Ceux qui ne maîtrisent pas la langue russe sont les plus vulnérables ».
Enrôlement forcé
Cet accompagnement est d’autant plus important que les travailleurs migrants originaires d’Asie centrale font face à une pression accrue depuis l’attentat du Crocus Hall, à Moscou, en mars dernier. Leur quotidien, déjà difficile, vire au cauchemar, entre restrictions professionnelles, violences xénophobes et harcèlement policier. « Des accusations fictives conduisent à les priver de leur titre de séjour et de leur autorisation de travail, explique la chargée de projets. Pour ne pas être renvoyés, certains essaient d’obtenir la citoyenneté russe ce qui les contraint à garnir les contingents de réservistes ».
Le pouvoir russe, qui cherche à grossir les rangs de son armée, peut avoir recours à des méthodes plus coercitives. Des travailleurs en situation irrégulière, sous prétexte d’infractions réelles ou imaginaires, disent avoir « signé un document pensant éviter l’expulsion et se sont finalement retrouvés enrôlés de force dans l’armée russe et envoyés sur le front ukrainien contre leur gré ». De retour dans leur pays, ils risquent des poursuites pour mercenariat, un crime passible d’emprisonnement en Ouzbékistan. L’an dernier, six Ouzbeks ont été condamnés pour avoir participé ou tenté de participer à la guerre en Ukraine.
Reportage en Arménie, aux côtés des travailleurs migrant en Russie