Prison : un potager pour s’évader
C’est un coin de verdure cerné par les murs de béton et les hauts grillages coiffés de barbelés. Sur cette parcelle d’une centaine de mètres carrés, au cœur de la prison de Réau, dans le quartier de détention pour femmes, poussent des fleurs, des plants de tomates, des fraisiers et, sous une serre, divers légumes. En cet après-midi de septembre, une dizaine de détenues ont chaussé leurs bottes et enfilé leurs gants pour travailler la terre.
Le petit groupe est accompagné de Patrice et Jean-Pierre, bénévoles pour le Secours Catholique. Deux fois par semaine, de mars à octobre, les deux septuagénaires viennent animer cet atelier potager qu’ils ont créé en 2020. Les plaisanteries du premier ne manquent pas de faire sourires les participantes. « J’aime quand ça bouge ! », lance Patrice. Le second, plus sérieux, répond à leurs questions et donne des conseils pour prendre soin des cultures. « Le but de ce jardin, c’est qu’elles se détendent qu’elles apprennent à cultiver », poursuit Patrice.
« J’adore le potager : ça me permet de m’évader ! », témoigne Jade*, 32 ans, tout en arrosant courgettes et piments sous la serre. La jeune femme, incarcérée depuis 5 ans, prépare son aménagement de peine. « J’espère ne pas refaire un Noël ici », confie cette maman de deux enfants. Le potager lui permet d’oublier sa cellule mais aussi d’économiser le salaire qu’elle gagne grâce à son travail d’ouvrière au sein de la prison. « Les légumes que nous récoltons nous évitent d’acheter ceux de la cantine**. Et ils sont délicieux : chaque dimanche je prépare un colombo dans la cuisine commune que nous avons à disposition. »
Ces quelques heures passées en extérieur aident également à libérer la parole. « Certaines détenues étaient renfermées sur elles-mêmes. Le fait de travailler la terre leur a donné une sensation de liberté et leur a permis de s’ouvrir aux autres, constate Karine Schwickert, adjointe au chef d’établissement. Ce potager est un pansement sur leur détention. »
À l’image de Wendy*, 31 ans et incarcérée depuis deux ans. La jeune femme, accroupie sur la pelouse, a entrepris de retirer les mauvaises herbes autour des fraisiers. Elle a appris à cultiver au Nigéria, son pays natal, qu’elle a quitté pour la France il y a dix ans. « Ça me fait du bien de toucher la terre, ça me manquait », rapporte-t-elle. Pour elle, le jardin est l’occasion de discuter avec les bénévoles, notamment Patrice. « Il nous fait rigoler et il est compréhensif. Quand on n’est pas bien, il nous encourage comme un père », livre-t-elle.
À côté de la serre, Sofia*, la trentaine, aide aussi à désherber d’autres fraisiers. Peu à peu, les mauvaises herbes arrachées laissent entrevoir le rouge des fruits qui scintille au soleil. « J’ai appris à cultiver grâce à cet atelier », explique-t-elle. Emprisonnée depuis huit ans, la jeune femme a également suivi une formation de pâtisserie pendant sa détention. S’il lui reste encore deux ans avant de retrouver sa liberté, Sofia se projette déjà. « J’aimerais ouvrir ma propre pâtisserie et avoir mon propre jardin. Ce que j’ai appris ici me servira quand je sortirai. »
*Le prénom a été modifié
**La cantine est un magasin interne à la prison, géré par l’administration pénitentiaire, où les détenus peuvent acheter certains produits de grande consommation.