Venezuela : « La crise humanitaire est sans précédent »
ENTRETIEN AVEC JANETH MARQUEZ, DIRECTRICE DE CARITAS VENEZUELA.
Secours Catholique: Peut-on dire que le Venezuela fait face à une crise humanitaire sans précédent ? Qu’observez-vous sur place ?
Janeth Marquez: Notre pays a déjà connu des urgences ponctuelles, mais jamais une crise d’une telle intensité sur une aussi longue durée. En trois ans, la crise économique est devenue une crise humanitaire durable.
On observe tout d’abord une pénurie de matériel médical (90 % des hôpitaux sont concernés) et de médicaments (80 % de personnes souffrant de maladies chroniques n’y ont pas accès). Il faut dire qu’une boîte de médicaments coûte 20 dollars pour un mois alors que le salaire de base du Vénézuélien est de 6 dollars. Conséquence : les épidémies de diphtérie et de rougeole se propagent, on assiste à des flambées de paludisme et, depuis deux mois, de fièvre typhoïde.
Il est par ailleurs difficile de se nourrir, vu que le panier alimentaire pour un mois coûte 25 fois plus que le salaire de base, à cause de l’inflation. Cela crée des cas de malnutrition chez les personnes vulnérables, comme les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées.
S.C.: Caritas Venezuela est l’une des rares ONG autorisées à travailler sur place et à répondre à la crise humanitaire. Comment agissez-vous ?
J.M.: Depuis trois ans, nous distribuons des kits d’hygiène et des filtres à eau. Nous prenons aussi en charge sur le plan nutritionnel les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes et allaitantes. Sur le plan sanitaire nous offrons des consultations médicales et une prise en charge psychosociale.
Nous donnons aussi des kits alimentaires à ceux qui veulent fuir et partir à l’étranger. Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, au moins 3 millions de personnes sur les 30 millions d’habitants ont fui le Venezuela depuis 2016. La migration s’était ralentie en février avec l’espoir du changement politique, mais elle reprend de plus belle en mars.
nous avons parfois du mal à acheminer l’aide et à acheter des produits,
S.C. : Est-ce compliqué pour vous de travailler sur place dans ce contexte politique tendu ?
J.M.: Oui, vu les tensions, nous avons parfois du mal à acheminer l’aide, acheter des produits, accéder à certaines zones à cause de l’insécurité. Par ailleurs, la crise s’est aggravée en 2019. Les sanctions prises par la communauté internationale aggravent la situation économique et donc aussi celle humanitaire.
Enfin il faut dire que des petites ONG humanitaires vénézuéliennes ont été persécutées par l’État - par exemple les forces de l’ordre ont confisqué leurs médicaments – alors les salariés de Caritas Venezuela ont peur…