Accompagnement extra-scolaire : faire grandir autrement
« Bonjour, bonjour ! Vous pouvez entrer, la salle est prête. » En ce mercredi matin, les élèves arrivent sagement dans les locaux du Secours Catholique du quartier de Montaud, un quartier assez populaire de Saint-Etienne. Ils s’installent ensuite à la table qui leur est indiquée, aux côtés du bénévole qui va les accompagner pendant cette heure de travail.
« On essaye de faire du “un pour un”, pour aller au rythme de l’élève et pour qu’un lien de confiance s’installe », précise Paul, bénévole au Secours Catholique depuis vingt-sept ans. Très rapidement, chacun trouve sa place, les binômes se forment et les révisions peuvent démarrer. L’ambiance est studieuse, personne ne rechigne à sortir ses livres et ses cahiers.
J’essaye d’être pédagogue, de le guider et de lui donner des petites astuces, exactement comme je le ferais avec mes petits-enfants.
Colette retrouve ainsi Haithem, âgé de 8 ans et en CE1. Au programme : exercices d’écriture sur les saisons. À une autre table, Camille, professeur de mathématiques et de physique au collège, travaille la géométrie avec Sidrat, 9 ans et en CE2. Très appliquée, cette dernière s’exerce à tracer des cercles et des rayons, sous l’œil attentif de Camille.
« Sidrat est la sœur d’Haithem, raconte Camille. Ils sont arrivés d’Algérie en juillet 2019 et ne parlaient pas un mot de français… Difficile à croire quand on les écoute moins de deux ans plus tard ! Ils ont tous les deux de bons résultats à l’école : c’est incroyable comme ils ont appris vite. »
Et Sidrat de témoigner : « Cela me rassure de venir ici chaque mercredi matin. Je peux m’exercer dans les matières qui me posent des difficultés et vérifier que j’ai bien tout compris. »
Dans la salle voisine, Brigitte fait réciter les tables de multiplication à Nourredine, 9 ans. « J’essaye d’être pédagogue, de le guider et de lui donner des petites astuces, exactement comme je le ferais avec mes petits-enfants », détaille-t-elle.
Algérie, Tchétchénie, Maroc, Syrie… La plupart des enfants inscrits à l’accompagnement scolaire proposé par le Secours Catholique sont originaires de pays étrangers, installés en France depuis plus ou moins longtemps.
Comme leurs parents parlent peu le français, le rendez-vous du mercredi matin se révèle utile pour avancer plus sereinement dans leur scolarité. Il leur permet de faire le point régulièrement sur le programme, de poser des questions, de ne pas perdre le fil.
Les savoir ici tous les mercredis matin me tranquillise car je sais qu'ils sont suivis.
« Nous sommes originaires de Syrie et après avoir traversé plusieurs pays, nous nous sommes installés en France il y a deux ans, explique en anglais Bashar, père des jumeaux Amal et Nourredine, 9 ans. Comme je parle très peu le français, je ne peux pas les aider pour leurs devoirs. Les savoir ici tous les mercredis matin me tranquillise car je sais qu’ils sont suivis et accompagnés en cas de blocage. »
« Nous ne sommes ni les parents, ni les professeurs : les enfants sont à l’aise avec nous et n’hésitent pas à nous faire part de leurs difficultés. C’est simple et constructif », remarque aussi Liliane, qui s’apprête à écouter la poésie apprise par les jumelles Hanaa et Safaa, élèves de CE2. Comme tous les enfants présents ce matin, elles sont appliquées, soucieuses de bien faire.
Après cette matinée, une petite dizaine d’enfants se retrouve pour l’activité de l’après-midi. Depuis 2007, des bénévoles proposent à ceux qui le souhaitent de compléter le soutien scolaire par des sorties ludiques et pédagogiques, qui permettent de faire des découvertes, de changer d’un quotidien parfois répétitif.
« Les familles sont installées dans de petits logements, où il est difficile d’avoir un espace à soi, ajoute Brigitte. De nombreux parents sont au chômage, ont des difficultés financières. » Dans ce contexte, un peu de nouveauté est forcément bienvenue.
lâcher la télévision
« Cela me change de la maison, là-bas, c’est toujours pareil ! », confirme Amal avec malice. « Aller au théâtre, au musée, apprendre de nouveaux jeux, chanter dans une chorale… L’idée est de leur proposer de grandir autrement, en dehors de l’école », complète Liliane. « Ces après-midi sont aussi des occasions de sortir, de s’aérer, de lâcher la télévision ! », ajoute Brigitte.
Bien sûr, les possibilités ont été réduites avec la pandémie et la fermeture des lieux culturels. L’an dernier, et encore tout récemment, il a fallu faire preuve d’imagination. « On a trouvé des alternatives, comme participer à l’opération des boîtes cadeaux distribuées à Noël aux personnes en difficultés, raconte Liliane. Les enfants étaient heureux de faire quelque chose pour les autres, et cela nous a donné l’occasion de parler des inégalités, des difficultés de la vie, de l’importance de la solidarité. »
Ces derniers mois, trois animations aux « Jardins de Charlotte » étaient au programme. Situés dans le parc de Montaud, ces jardins ont pour objectif de développer un modèle d’agriculture urbaine qui prenne en compte l’environnement local, sur des terrains en friche, non constructibles.
Petites cultures de fruits et légumes, plantations diverses et variées, poulaillers… Autant de curiosités à observer pour ces petits citadins qui n’ont jamais l’occasion de partir en week-end à la campagne ou de faire ce type d’excursions avec leurs parents.
graines de moutarde
Découverte des plantes aromatiques et des invertébrés du sol, séquence pour comprendre et expérimenter la transformation de la graine à la plante : les premières animations ont rencontré un vrai succès auprès des enfants. « On a planté des graines de moutarde, des vraies ! », racontent les jumelles Hanaa et Safaa, encore toutes étonnées d’avoir appris que ce condiment était issu d’une plante.
La troisième sortie aux « Jardins de Charlotte » était initialement prévue ce mercredi d’avril mais, en raison des restrictions sanitaires, elle a été reportée. « Ce n’est que partie remise », rassure Liliane, avant de dérouler le « plan B » : promenade dans le parc de Montaud, point de vue sur la ville autour de la table d’orientation, jeux et goûter. C’est une chance : les températures sont fraîches mais le soleil est de la partie.
Alors tout le monde profite de ce moment au bon air, de la possibilité de se dérouiller les jambes en riant. Pour les bénévoles comme pour les enfants, ces après-midi sont autant d’occasions de créer du lien, de renforcer la confiance.
« C’est amusant de se voir dans un contexte différent, détendu, renchérit Nourredine. Ensuite, cela m’aide à être plus à l’aise quand on fait les devoirs. » Les familles en sont également très contentes : « Elles savent bien qu’on fait le maximum pour proposer des activités éducatives, conclut Liliane. Or ce qu’elles souhaitent avant tout, c’est la réussite de leur enfant. »