Au Sénégal, la Caritas oeuvre pour l'intégration des migrants
« On est mieux quand on est chez soi. C’était difficile de quitter mon village, mais c’est trop risqué là-bas. » Là-bas, c’est en République Centrafricaine. Josias a quitté Bambari pour Dakar, en 2014. Le reste de sa famille est réfugié au Congo, mais lui a souhaité faire des études au Sénégal. Il a récemment toqué à la porte du Pari, le Point d’accueil pour les réfugiés et les immigrés, de la Caritas, pour demander une aide afin de financer son Master en ressources humaines.
La réputation de la « Teranga », l'hospitalité sénégalaise, et l’idée d’un État stable et démocratique attirent. Comme Josias, 2 000 personnes sont accompagnées chaque année par Caritas Sénégal. Et comme lui, beaucoup sont reconnus demandeurs d’asile et attendent que l'État sénégalais leur octroie le statut de réfugié. Ils disposent entre-temps d'un récépissé à faire valider tous les deux mois, mais ont du mal à accéder à leurs droits.
sans aucune aide
« L’État traîne du pied pour accorder le statut de réfugié », déplore Moustapha Kébé, chargé de projet au Réseau migration et développement (Remidev), partenaire du Pari. Et une fois le précieux sésame obtenu, celui-ci n’est pas toujours accepté par les banques ou les hôpitaux. « Les droits des réfugiés ne sont pas respectés, alors que l’État sénégalais a signé et ratifié des conventions », se plaint Adama, réfugié ivoirien.
En pratique, même s’ils n’ont pas accès aux services comme l’ouverture d’un compte bancaire, les migrants sont tolérés dans le pays. Il n’y a pas – ou peu – de contrôles de papier et les Africains de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) peuvent circuler librement dans cette zone. Il n’empêche que beaucoup de migrants se retrouvent démunis, sans aucune aide. Lucas, réfugié ivoirien, a même dormi plusieurs mois dehors, avant de rencontrer Caritas.
Coups de pouce
« Le Pari relève le défi de bien accueillir ceux qui arrivent », témoigne l’abbé Alphonse Seck, secrétaire général de Caritas Sénégal. Cela passe par une aide pour trouver un logement et le financer, des bons pour se faire soigner gratuitement dans un dispensaire voisin, une formation professionnelle à la cuisine ou à la mécanique, ou encore un coup de pouce pour se lancer un commerce de rue.
« Le but de tout cela est d’améliorer les conditions de vie des gens. Si la personne peut se soigner, se loger, gagner de l’argent, envoyer ses enfants à l’école, alors elle pourra s’intégrer », estime Jacques Niouky, animateur du Pari. « Caritas m’a soutenu pour monter mon commerce de thé, et cela m’insère dans la société. Elle fait tout pour que je ne vive pas dehors et garde espoir, même si je suis réfugiée déboutée », raconte Fatoumata originaire de Guinée et victime du massacre du stade du 28 septembre 2009 lors duquel elle raconte avoir été violée.
Fatoumata vient aussi frapper à la porte du Pari pour se faire soigner. Les personnes migrantes ont souvent des problèmes de santé, comme la malnutrition, les problèmes d’hygiène buccodentaire ou de peau, dus à la promiscuité et à leur manque de moyens pour manger ou se laver.
L’écoute, c’est la porte d’entrée pour le reste. On leur apporte d’abord du réconfort.
Les médecins pansent aussi les blessures psychologiques et les traumatismes liés au parcours migratoire ou à l’histoire passée. Le Pari est avant tout un lieu d’écoute. « L’écoute, c’est la porte d’entrée pour le reste, confie Jacques Niouky. Beaucoup ont besoin de parler et de partager leur histoire. On leur apporte d’abord du réconfort. »
Adèle, originaire du Burundi, a fui la violence post-électorale en 2015, elle espère trouver un travail dans la pâtisserie après avoir suivi une formation grâce au Pari. « Avec la Caritas, tu sens qu’on t’intègre. Tu te sens en paix, donc tu t’ouvres et tu te sens mieux », assure-t-elle.
Seul soutien
Pays d’accueil, le Sénégal est aussi un pays de transit et de départ. Il arrive, au Pari, de croiser des personnes qui disent vouloir poursuivre leur route. Toutes ne visent pas l’Europe. « On pense toujours qu’il y a une ruée vers l’Occident, mais en réalité beaucoup migrent au sein du continent Africain », observe l’abbé Alphonse Seck, qui analyse : «Lorsque les voies de migration sont bloquées, les gens prennent d’autres voies plus dangereuses. Les changements climatiques font que rien ne pourra arrêter les migrations. Les villes explosent, les gens vivent dans la misère. Ils vont partir, c’est évident. »
En 24 ans d’existence, le Pari a accueilli 35 000 migrants de 31 pays différents. Bereket, Erythréen, est l’un d’entre eux. Ayant quitté son pays – l’une des pires dictatures du monde – en 2009, il rêvait d’atteindre l’Italie, mais a échoué en Libye. Il y a vécu de sombres mois dont il ne veut pas parler. Il a ensuite traversé le Niger, le Burkina Faso, le Mali avant d’arriver au Sénégal, où il s’est vu refuser le statut de réfugié.
Bereket veut juste pouvoir vivre. Le Pari l’a aidé à monter un commerce ambulant de vente de café et de biscuits. « Je rêve de faire venir ma famille ici. En attendant c’est difficile, dit-il. Heureusement qu’il y a Caritas : c’est mon seul soutien. »