« Cela fait des mois qu’on espère ce séjour et, quand on voit tous ces sourires, on se dit que ça vaut la peine. » Animatrice du Secours Catholique de l’Aube, Perrine ne cache pas son enthousiasme en arrivant à proximité du Lac de Der, où petits et grands s’apprêtent à pique-niquer. La météo est capricieuse mais qu’importe : le plaisir d’être là est intact.
Au total, 24 personnes – parents, enfants et bénévoles – ont répondu présent pour ce week-end au grand air. Originaires de France, du Kosovo, d’Albanie, du Cameroun ou de la Côte d’Ivoire, les familles présentes sont accompagnées tout au long de l’année par le Secours Catholique. Certaines d’entre elles s’impliquent régulièrement dans les activités de l’association, donnent un coup de main quand c’est possible.
On ne part pas loin, pas longtemps, mais l’objectif est de se faire plaisir.
En ce vendredi, l’ambiance est détendue. Les parents s’affairent autour des tables en bois, pour préparer les sandwichs des plus jeunes, dont on entend les éclats de rire au loin. Des liens se sont créés depuis le début du séjour et les enfants en profitent : balançoire, toboggan, démonstration de gymnastique, course dans le parc, cueillette de fleurs… L’heure est au divertissement et à la découverte !
« On ne part pas loin, pas longtemps, mais l’objectif est de se faire plaisir », confirme Perrine. Dans un contexte sanitaire encore tendu, la formule a rencontré un franc succès : hébergement dans un camping, afin que chaque famille ait un espace privé dans son mobil-home, et activités collectives en journée.
Après avoir partagé le goûter avec les cygnes et écouté Bernadette raconter l’histoire de cette grande étendue d’eau, le groupe se dirige vers l’observatoire des oiseaux. Cette installation en bois permet d’admirer les volatiles sans être vu… « Regardez les garçons, ce sont des hirondelles ! »
Bessim, sa femme Fahrije et leurs deux fils n’ont pas pris de vacances depuis très longtemps. Ils ont quitté le Kosovo pour la France il y a huit ans et, après des années de procédure, ils ont été déboutés de l’asile. « Nous habitons chez mes parents, nous n’avons pas le droit de travailler et nous risquons l’expulsion si nous nous déplaçons, raconte Bessim. C’est simple, nous ne sommes pas sortis de la ville de Troyes depuis que nous vivons ici. »
resserer les liens
Ces quelques jours à Soulaines-Dhuys sont donc un événement, une occasion de resserrer les liens au sein de la famille et avec de nouvelles personnes. En fin d’après-midi, un temps d’échange est prévu entre les participants. Chacun pioche une image et dit ce que celle-ci lui évoque.
« J’ai choisi une photo qui représente tous les continents parce que c’est important d’être ensemble, quelles que soient nos origines », détaille Lynda, qui habite dans un centre d’hébergement d’urgence avec sa fille Esther, âgée de quatre ans. Après plusieurs années sans emploi, elle vient de signer un contrat pour travailler dans un atelier de couture. « C’est une super nouvelle, le point de départ d’une nouvelle vie », se félicite-t-elle.
Le lendemain, une visite guidée de Soulaines-Dhuys et de sa tuilerie traditionnelle sont au programme. Les enfants découvrent les spécificités du village, les maisons à pans de bois, les jardins partagés… Puis le groupe regagne le camping pour la pause déjeuner, qui se déroule en petit comité.
« Notre mère a été gravement malade, hospitalisée pendant plusieurs mois en 2020, racontent Lola et Mélissa, les deux filles de Sandra, qui se rend depuis quelques semaines à l’épicerie sociale du Secours Catholique. « En ajoutant à ça le contexte sanitaire, les occasions d’être ensemble ont été vraiment rares… Ce séjour nous permet donc de rattraper le temps perdu ! »
casser la routine
Xhemile et Hidajete, deux sœurs de 40 et 46 ans, boivent un café sur la terrasse de leur mobil-home, à quelques pas de là. « L’année dernière a été particulièrement difficile, nous nous sommes senties encore plus isolées que d’habitude, relatent-elles. Nous connaissons très peu de monde en France, et c’est compliqué de garder le contact avec la famille restée au Kosovo. »
L’accompagnement du Secours Catholique est pour elles très précieux, durant l’année mais également lors de ce type de séjour, où elles se mêlent au groupe avec plaisir, heureuses de cette opportunité de « casser leur routine ».
D’ailleurs, les activités de l’après-midi vont apporter leur lot de surprises : marcher pieds nu ou les yeux fermés, sentir les plantes, déguster une pomme en savourant chaque instant… L’atelier sensoriel animé par Agnès provoque l’hilarité générale. « Mais je ne vais pas faire ça », s’exclame Bessim, avant de finalement prendre un arbre dans ses bras : « Ok, je lâche prise, je me détends ! », conclut-il.
À la fois varié et tranquille, le programme permet de marquer la différence entre la « vie de tous les jours » et les vacances. « Les séjours du Secours Catholique ont la particularité d'être élaborés par les familles, qui réfléchissent ensemble au projet en amont », détaille Perrine. « Il fallait trouver un bon équilibre entre les temps collectifs et les moments en famille », complète Leonora, accompagnée de son mari Gjovalin et de leurs enfants, Xhoena et Noël.
Arrivée d’Albanie en 2017, Leonora a fait la connaissance des équipes du Secours Catholique deux ans plus tard. Depuis, elle est à la fois bénéficiaire et bénévole à l’épicerie sociale, et a participé activement à l’organisation de ce séjour.
Xhoena et Noël vont avoir des choses à raconter à leurs copains à l’école. Ce n’est pas si souvent.
« Ces vacances ? C’était un rêve ! Nous n’habitons pas loin et pourtant, ça change vraiment du quotidien. En plus, Xhoena et Noël vont avoir des choses à raconter à leurs copains à l’école. Ce n’est pas si souvent. »
À la veille du départ, Leonora confirme que ces moments partagés porteront leurs fruits dans le futur. « J’avais moi aussi besoin de me changer les idées, confie-t-elle. C’était indispensable pour retrouver de l’énergie, pour regarder l’avenir avec davantage de confiance. »