Une aide à l'insertion
« L'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en œuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement. »
Telle est la définition de l'insertion par l'activité économique d'après le code du travail. Désireuse de favoriser l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi, le Secours Catholique soutient des structures d'insertion par l'activité économique (SIAE).
En 2004, l'association a fondé le réseau Tissons la solidarité pour fédérer les SIAE évoluant autour des activités du textile et du recyclage de vêtements de seconde main. À travers une formation exigeante et reconnue, le réseau professionnalise les salariés, à plus de 80 % des femmes, afin de faciliter leur retour à l'emploi pérenne.
« L'objectif de l'insertion, c'est d'accompagner la personne dans son projet professionnel et de révéler ses talents », affirme Guillaume Almeras, responsable du département Emploi, Économie sociale et solidaire au Secours Catholique. « On regarde les personnes à travers leurs compétences et non par leurs manques », renchérit Caroline Portes, directrice de Tissons la solidarité.
Tissons la solidarité pilote un réseau de 70 structures qui emploient 1900 salariés d'insertion sous contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI) pouvant aller jusqu'à 24 mois.
Fringuette est l'une de ces 70 structures du réseau Tissons la solidarité. Créée en 1993 à l'initiative de bénévoles du Secours Catholique, elle est aujourd'hui conventionnée en qualité d'Atelier et Chantier d'Insertion.
Basée dans le bassin d'Arcachon, elle emploie 21 salariés d'insertion (deux chauffeurs, six femmes au tri, cinq couturières et huit vendeuses) et cinq employées permanentes : une directrice, une conseillère d'insertion professionnelle et trois encadrantes pour les activités de tri, de couture et de vente.
Ophélie : « Ici, j'ai repris confiance en moi et en mes compétences. »
Tous les matins, les deux chauffeurs de Fringuette font la tournée de la soixantaine de containers répartis dans le bassin d'Arcachon pour récupérer les vêtements donnés par les particuliers. Puis direction le centre de tri à Belin-Beliet où Ophélie, Manon et les autres étudient chaque vêtement pour voir s'il peut avoir une « nouvelle vie ».
Le tri se déroule en trois temps : le dégraissage, un premier tri par catégorie (homme/femme/enfant) et saison (hiver/été) ; puis l'écrémage (regarder de près si le vêtement est correct ou s'il faudra lui rajouter un bouton ou réparer une fermeture éclair) ; enfin l’étiquetage et le stockage.
Seuls 7 % des vêtements sont gardés sur les 380 tonnes collectées chaque année dans 60 containers. Le reste est envoyé au recyclage.
un véritable accompagnement
Ophélie et Manon sont arrivés il y a peu à Fringuette. Elles ont découvert l'annonce de recrutement - qui avait préalablement été déposée par Fringuette - sur le site de Pôle Emploi. Seules certaines personnes sont éligibles à des CDDI : les demandeurs d'emploi de longue durée, les bénéficiaires du RSA, les travailleurs handicapés et les personnes de plus de 50 ans.
Les salariées d'insertion ont un contrat de 4 mois renouvelable jusqu'à 24 mois. Ici, elles travaillent 26 heures par semaine pour leur laisser le temps de travailler leur projet socio-professionnel.
Les employées de Fringuette sont non seulement accompagnées par des encadrantes techniques qui les forment au tri, à la couture ou à la vente, mais aussi par une conseillère d'insertion professionnelle. Celle-ci les aide entre autres sur un plan personnel, dans leurs relations avec l'assurance maladie, la CAF, etc.
« Avant Fringuette, je n'y arrivais plus financièrement et psychologiquement », témoigne Ophélie. Maman d'une petite fille, elle était au chômage depuis trois ans. « Ici, j'ai repris confiance en moi et en mes compétences. Je me dis que je peux y arriver et trouver un vrai travail. »
découvrir un autre milieu professionnel
Ophélie envisage de faire une immersion dans le monde de la petite enfance, pour, pourquoi pas à terme, devenir Atsem, agent spécialisé des écoles maternelles.
C'est l'un des avantages des SIAE : permettre à leurs salariés de découvrir un autre milieu professionnel lors d'un stage d'observation d'une semaine ou deux pour mieux cerner leur projet d'avenir. Fringuette continuera alors de payer le salaire d'Ophélie. Si l'expérience en école maternelle lui plaît, Ophélie pourra envisager de faire une formation.
Jeannie : « Je connaissais les bases mais j'ai acquis de la rapidité. »
Jeannie est l'une des cinq couturières de Fringuette, basée à Biganos. D'ici peu, elle doit aller tester quelques jours ses talents de couturière dans une petite entreprise du côté de Bordeaux, à Pessac. Si ça marche, elle sera embauchée en CDI. « C'est la conseillère qui m'a aidé à trouver cette offre », explique-t-elle.
Réécriture du CV, tests d'entretiens : l'accompagnement est complet. « Elles ont besoin qu'on les soutienne. On les accompagne pour les insérer dans le monde du travail », commente Christine Roullée, directrice de Fringuette.
Jeannie est venue chez Fringuette avec l'idée de se former à la couture. Déjà sénior, comme elle dit, elle était éligible au « CDDI ». Auparavant, elle faisait des ménages mais elle n'avait pas assez d'heures de travail : « Ici, j'ai appris avec Yanic, l'encadrante, à être couturière d'habillement. Je connaissais les bases mais j'ai acquis de la rapidité. Désormais j'espère avoir un poste de couturière jusque ma retraite dans 5 ans. »
« La Griffe »
Chez Fringuette, Jeannie et les autres couturières s'occupent de faire des rares retouches sur les vêtements qui proviennent du tri, elles travaillent aussi sur des costumes de location ; mais surtout elles customisent certains vêtements – provenant pour la plupart de dons de marques – pour « la Griffe » Tissons la solidarité, un projet mené au niveau national et parrainé par le couturier Christian Lacroix.
Tous les six mois, un styliste professionnel du monde de la mode envoie des recommandations sur les retouches à faire pour produire une nouvelle collection (une Été, une Hiver) : ici, rajouter une capuche, là incorporer une dentelle ou encore remplacer les manches d'une veste par une autre matière. Ainsi chaque pièce est unique et peut être vendue dans l'une des boutiques de Fringuette : à la Teste de Buch.
Fabienne : « Maintenant, je peux aller ailleurs »
Fringuette dispose de quatre boutiques : à Pessac, à Belin-Beliet, à Biganos et à la Teste de Buch. On y vend les vêtements de seconde main dénichés par les salariées au tri.
Les vendeuses de Fringuette ont chacune leur boutique attitrée mais toutes passent un petit temps au « 4 de Fringuette » de la Teste de Buch : c'est en effet la boutique école de l'association. On a beau y vendre des vêtements recyclés ou encore customisés (les vêtements de la Griffe Tissons la solidarité), ce magasin ressemble à une boutique haut de gamme.
Cécile Ambaud, l'encadrante vente, apprend à ses salariées à arranger une vitrine ou encore à présenter correctement les portants de vêtements par couleurs : « Je leur fais faire des recherches sur les tendances de la mode. Je leur apprends à réorganiser les rayons selon les arrivages. Il faut les préparer sérieusement à la vente. »
Fabienne, 62 ans, est vendeuse. Elle avait déjà travaillé plus de 20 ans en Italie dans la vente mais avait besoin d'une transition pour se réhabituer au marché français.
« Chez Fringuette, j'ai appris à m'organiser, et ça m'a remis le pied dans le monde du travail. Ça m'a surtout aidé à renouer avec l'informatique car pour moi, c'était compliqué. » explique-t-elle. « Maintenant, je peux aller ailleurs, même si c'est dur avec mon âge.»
Une double certification
À terme, Fringuette entend bien offrir à ses salariées la double formation vente proposée depuis 2015 par Tissons la solidarité : 70 heures de formation par des professionnels de la branche textile, et 70 heures de formation par l'AFPA (l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes) dans la vente.
Ainsi, cette formation permet pour la première fois en France une double certification aux salariés : une certification des professionnels de la branche textile, et l'acquisition d'un titre Métier du Ministère du travail (employé commercial en magasin ou vendeur conseil en magasin).
Brighita : « Tout ce que j'ai appris chez Fringuette, je l'utilise dans mon nouveau travail. »
L'objectif de Fringuette est avant tout de permettre à ses salariés de se réinsérer dans le monde du travail. La conseillère d'insertion professionnelle les aide en ce sens dans leurs démarches.
Dernièrement, Elsa a trouvé un travail en blanchisserie après un CDDI au centre de tri ; Emmanuelle a décroché un CDD de 6 mois avec formation qui pourra déboucher sur un CDI en couture ; et Brighita est en CDI dans une boutique de chaussures après 14 mois de contrat d'insertion en tant que vendeuse : « Tout ce que j'ai appris chez Fringuette, je l'utilise dans mon nouveau travail : le conseil vente, la gestion des clients, la connaissance des tendances et des couleurs. »