Haïti : de l'urgence au développement
Le 12 janvier 2010, Haïti était frappé par un puissant séisme. Pour accompagner la reconstruction du pays, le Secours Catholique a appuyé 23 projets dans les domaines de la Santé, de l’Education, du logement, du développement rural et des droits de l’Homme.
Huit ans plus tard, la trace de ces projets est toujours visible : quatre centres éducatifs, une dizaine d’écoles, un centre de formation aux techniques de construction parasismique et plusieurs centaines de maisons ont pu être reconstruites ou réhabilitées. Ce sont des dizaines de milliers d’haïtiens qui ont pu bénéficier de ces projets.
Et maintenant ? Accompagner le développement sans oublier de répondre aux urgences
Après huit années consacrées à réduire les meurtrissures du séisme du 12 janvier 2010, le Secours Catholique-Caritas France a redéfini sa politique de soutien à Haïti et poursuit désormais ses programmes de développement.
Planifiés sur plusieurs années, suite au séisme de janvier 2010 qui a fait plus de 220 000 morts sur l'île et deux millions de sans-abris, les derniers programmes post-urgence du Secours Catholique en Haïti doivent arriver à échéance d’ici quelques mois .
« Aujourd’hui, l’accent est à nouveau porté sur les projets de développement, comme avant le séisme, pour aider les familles haïtiennes à sortir de la pauvreté, explique Joël Da Costa, Chargé de partenariat au Pôle Amérique Latine et Caraïbes du Secours Catholique. Avec la Caritas nationale et cinq Caritas Diocésaines (Jacmel, Port-au-Prince, Hinche, Jérémie, Les Cayes) nous avons élaboré conjointement plusieurs projets de relance agricole et de sécurité alimentaire. »
Cette nouvelle orientation reflète la stratégie prise par le Secours Catholique - Caritas France de promouvoir à termes des modèles alternatifs de développement. L’agro-écologie pourrait être un élément central des prochains projets soutenus par l'association en Haïti.
Renforcement du pouvoir d’agir
En parallèle, le Secours Catholique continue d’accompagner l’organisation Justice et Paix (JLAP) dans sa promotion de la participation citoyenne, dans la défense des droits de l’homme et dans le renforcement du pouvoir d’agir des personnes et groupes les plus exclus.
Enfin, l’association appuie la Fondation Haïtienne pour le redressement et le développement (FHRD) dans la création de nombreuses activités génératrices de revenus, comme l'élevage de volailles ou la mise en place de boulangeries artisanales.
Catastrophes naturelles
Ce recentrage sur des projets de développement ne signifie pas que le Secours Catholique - Caritas France n'est plus attentif aux nouvelles urgences que pourraient connaître l'île.
En effet, Haïti est toujours vulnérable aux différentes catastrophes naturelles. Suite au passage de l’ouragan Matthew dans le sud de l’île en octobre 2017, le Secours Catholique a appuyé les Caritas diocésaines de Jérémie et des Cayes dans la reconstruction de plusieurs dizaines d’habitation.
Huit années aux côtés des Haïtiens
Au chevet d’Haïti depuis le séisme du 12 janvier 2010 grâce à l’argent de ses donateurs, le Secours Catholique-Caritas France a accompagné la reconstruction des édifices individuels et collectifs et soutenu plusieurs programmes de santé physique et mentale. Des programmes mis en œuvre avec les populations locales.
Sur les 14 millions d’euros reçus au lendemain du tremblement de terre qui a meurtri Haïti en janvier 2010, le Secours Catholique-Caritas France a focalisé son aide sur quatre domaines principaux : l’éducation, le logement, la santé et l’appui au monde rural.
Environ 43 % des sommes récoltées ont été consacrées à la reconstruction des édifices scolaires. Les chantiers ont été engagés avec la participation des populations locales.
À Delatte, les habitants de la zone ont été embauchés pour effectuer des travaux n’exigeant aucune qualification, ce qui a permis d’améliorer la situation économique de ce lieu particulièrement isolé. En tout, ce sont près de 5 000 élèves qui étudient désormais dans de bien meilleures conditions.
6,6 millions d'euros ont permis d'ériger 7 nouvelles écolesselon les normes antisismiques et anticycloniques, et d’améliorer les équipements de 18 écoles.
La santé représente 27 % des fonds dédiés aux conséquences du séisme. Associé à une dizaine de partenaires, le Secours Catholique a mis en œuvre 18 programmes : ceux-ci vont de la reconstruction de centres de santé en passant par l’accès aux soins en zone rurale et la prise en charge de la santé psychologique ou de la douleur, la remise en état d’équipements sanitaires ainsi que la lutte contre l’épidémie de choléra.
L’ensemble de ces programmes a permis de soigner et de sensibiliser à la prévention près de 123 000 personnes.
S’appuyer sur le savoir-faire des habitants
La reconstruction de logements, individuels et collectifs, représente 12 % du budget de l’opération post-séisme, soit 1,9 million d’euros.
Le Secours Catholique a choisi, pour la mise en œuvre de ces programmes logement, de s’appuyer sur le savoir-faire technique des Haïtiens « en intégrant les effets multiplicateurs de la formation professionnelle d’artisans de la construction. Les acquis de cette formation doivent trouver des applications pour perdurer. »
Enfin, les zones rurales, déjà parents pauvres des politiques publiques avant le tremblement de terre et qui avaient accueilli 600 000 déplacés en 2010, avaient un besoin urgent d’être aidées.
Le Secours Catholique a tenu à ouvrir un accès aux services de base dans les zones les plus inaccessibles. L’association a également renforcé les programmes agricoles de ces zones en finançant une agriculture durable et respectueuse de l’environnement et en développant des filières de commercialisation nationale et internationale.
Une priorité : l'éducation
L’argent collecté par le Secours Catholique-Caritas France a permis de construire des maisons individuelles, des logements sociaux, des centres de santé et surtout des écoles… Autant d’infrastructures nécessaires pour accompagner les populations délaissées par un État affaibli.
En 2010, le monde tendait la main à Haïti. « Des 12 milliards de dollars promis au pays », constatait en octobre 2014 le président haïtien à TV5 Monde, « nous n’en avons reçu que 4. » Ces 4 milliards apportés par les organisations humanitaires ont servi à répondre à l’urgence, à combattre le choléra et à commencer la reconstruction.
L’État haïtien est faible. Contrairement à son peuple. « Nous avons résisté à trois siècles d’esclavage, aux épidémies, aux cyclones... À chaque fois nous nous sommes relevés », déclare le père Michel, directeur de la Cellule d’aide psychologique (Cap-Chr), association soutenue par le Secours Catholique.
Docteur en psychologie clinique, le père Michel prend en charge les enfants traumatisés. Depuis 2012, Cap-Chr a rencontré plus de 15 000 enfants et accompagné individuellement 200 d’entre eux. « Avant 2010, l’aide psychologique était réservée aux fous, observe-t-il. Aujourd’hui, c’est un besoin pour beaucoup d’entre nous. »
80% de réussite aux examens
« Nous n’attendons rien de l’État, nous sommes habitués à ce qu’il ne fasse rien », dit Jivenel Napoléon, coordinateur de projets au foyer Maurice-Sixto (école pour enfants placés en domesticité).
Le Secours Catholique finance le nouvel établissement situé à présent au sommet d’une montagne au sud-ouest de Port-au-Prince, prêt à recevoir 360 élèves.
Malgré la loi qui interdit de placer des enfants en domesticité, la situation s’aggrave. Pour M. Weness, directeur exécutif du foyer, « catastrophes naturelles + catastrophes politiques = familles de plus en plus pauvres qui placent leurs enfants dans d’autres familles, dans l’espoir qu’ils pourront manger. »
Au foyer Maurice-Sixto, on affirme obtenir 80 % de réussite aux examens officiels, grâce à un suivi personnalisé des élèves et à une stricte discipline. Les trois écoles des sœurs de Saint-Joseph de Cluny que le Secours Catholique a reconstruites à Port-au-Prince et à Jacmel sont également des exemples d’ordre et de discipline.
Mais leurs professeurs se plaignent des salaires que leur sert l’État. « On pense toujours aux enfants », déclare Marie Immacula Mingot, institutrice depuis 1988 à l’école de Bolosse, « jamais aux professeurs. Or sans professeurs, il n’y aurait pas d’école. »
À Cité-Soleil, le plus grand bidonville de la capitale, le père Zucchi, directeur d’un ensemble d’écoles réhabilitées avec le soutien financier du Secours Catholique, nous fait visiter Soleil 4, une maternelle où s’amusent 900 enfants, garçons et filles de 3 à 6 ans. Ils vont par paire, le premier ayant un an de plus que le second.
« Nous les mettons ainsi pour que le grand aide le petit. Nous tentons de leur faire comprendre la solidarité, l’union. Ce n’est qu’ensemble qu’ils sortiront de la misère. » Uniforme, petit déjeuner et déjeuner quotidiens, soins médicaux, ici tout est gratuit.
Éducation ludique
L’école professionnelle des Salésiens, autre école du père Zucchi, rassemble plusieurs bâtiments. Devant l’un, des apprentis maçons tamisent du sable ; par la porte ouverte d’un autre bâtiment, on aperçoit des jeunes occupés à de la soudure. Au fond, se construit un bâtiment où l’on enseignera bientôt la mécanique auto à 240 élèves.
Au rez-de-chaussée se trouvent les équipements lourds permettant de pratiquer le métier. Au premier étage est enseigné la théorie et l’électronique. L’ensemble est entièrement financé par le Secours Catholique pour 800 000 euros.
« Les institutions privées, dit le père Zucchi, ont été plus vite reconstruites que les écoles publiques. En avril 2010, nous avons accueilli à nouveau les enfants. Caritas Autriche et le Secours Catholique nous soutenaient, cela a accéléré la reconstruction. Avant 2010, nous étions l’école professionnelle la mieux cotée du pays, et le plus grand atelier d’ajustage mécanique. Nous allons rétablir l’école telle qu’elle était avant. »
Améliorer l’éducation est la préoccupation principale du président Martelly, du moins le disait-il sur TV5. Mais la plupart des écoles visitées manquent cruellement de supports pédagogiques.
Pourtant des idées germent et devraient faire leur chemin. Planète Urgence, l’ONG française avec qui le Secours Catholique a construit une cinquantaine de maisons dans une région enclavée, s’est associée à un syndicat paysan local.
Ensemble, ils ont installé une salle de classe numérique où chaque école du canton vient désormais découvrir Internet. Un écran, un ordinateur, quatre panneaux solaires, l’éducation devient ludique, le savoir à portée de main. Le gouvernement se dit intéressé par la démarche.