« C’est l’ADN de tout baptisé que d’être proche des plus fragiles »
Le père Hervé Perrot, délégué épiscopal à la diaconie du diocèse de Vannes, succède au père Dominique Fontaine à la fonction d'aumônier général au Secours Catholique qu'il a occupée pendant six ans.
Rencontre avec ces deux hommes d'engagement autour des thèmes portés par le Secours Catholique, qu’il s’agisse du dialogue interreligieux ou de la place des personnes en précarité dans notre société.
Secours Catholique : Le dialogue interreligieux est une réalité quotidienne au Secours Catholique. Dominique Fontaine, comment l’avez-vous vécu durant ces six dernières années ?
Dominique Fontaine : Ce qui est intéressant au Secours Catholique, c’est que cette question du dialogue vient d’une réalité de terrain, de nos équipes qui accueillent sans distinction des personnes en difficulté de toutes les religions.
Ce dialogue interreligieux se fait naturellement : la réalité fait qu’on se rencontre, qu’on s’entraide. Quand la discussion vient sur le terrain de la religion, en particulier avec les musulmans, c’est un dialogue qui est très souvent positif parce qu’il n’y a pas de méfiance ni d’à priori.
Avec les jeunes des Young Caritas, ce dialogue est également naturel. Depuis plusieurs années, des jeunes de toutes religions participent aux universités d’été de Saint-Malo.
Hervé Perrot : Je crois beaucoup à ce dialogue, et plus que cela, à cette rencontre avec nos amis de différentes religions. Quand il y a un prénom, un visage, une histoire qui se partage, les peurs laissent la place à de vraies relations. C’est la “culture de la rencontre” dont parle le pape François.
Il faut permettre ces rencontres au sein même de l’Église, ainsi qu’au cœur de la société où l'enjeu de paix et du vivre-ensemble est très important. Or, pour vivre ensemble, il faut des lieux qui permettent de faire ensemble.
S.C. : Renforcer le pouvoir d’agir des personnes en précarité est une priorité pour le Secours Catholique. Dominique Fontaine, quel regard portez-vous sur le travail réalisé dans ce domaine ?
D.F. : J’avais l’habitude de rencontrer des personnes en précarité, mais l’attitude qui consiste à se dire « il faut d’abord écouter ce qu’elles vivent et ont à dire », le Secours Catholique me l’a apprise, et c’est sans doute ce qui m’a le plus marqué en six ans.
Je trouve extraordinaire de pouvoir se dire que les personnes en grande précarité ont un savoir à apporter. Et le fait de les aider à renforcer leur pouvoir d’agir change en profondeur la société.
La seconde dimension concerne la dimension spirituelle. Je ne cesse d’être émerveillé : quand on donne la parole aux personnes en précarité sur l’Évangile, comme dans le réseau Saint-Laurent, il en sort une richesse extraordinaire.
Quand j’ai rassemblé les textes de L’Évangile entre toutes les mains, je me suis rendu compte que tous ces groupes qui ne se connaissaient pas lisaient pourtant l’Évangile de la même façon.
Il y a une façon de lire l’Évangile par les pauvres. Le pape François nous le dit avec force.
H.P. : Je rejoins Dominique sur le fond. Les pauvres nous enseignent. J’en ai fait l’expérience dans mon diocèse où de nombreux petits groupes de personnes en fragilité partagent la parole de Dieu. C’est une grande richesse pour l’Église. C’est même l’ADN de tout baptisé que d’être proche des plus fragiles.
Benoît XVI disait dans l’une de ses encycliques qu’il y a le kirigma et le martyria – l’annonce de la parole de Dieu et la liturgie – et puis la diaconie.
La diaconie existe depuis le cœur de l’Évangile, mais on l’a déléguée à des organismes caritatifs, comme le Secours Catholique. Aujourd’hui on est en train de la réveiller. L’un des enjeux du Secours Catholique est d’être ce ferment pour faire bouger les communautés chrétiennes et la société aussi.
Si notre réflexion part des plus fragiles, tout change. Désormais, il faut travailler à mettre en place des moyens pédagogiques pour le permettre. On doit aussi interpeller les pouvoirs publics. C’est un enjeu qui petit à petit sera une réalité dans nos vies quotidiennes et de foi.
S.C. : Dominique Fontaine, que retiendrez-vous de ces six années passées en tant qu’aumônier au Secours Catholique ?
D.F. : Chaque fois que je partage l’Évangile avec des personnes en grande précarité, une lumière sur ce texte m'apparaît, à moi qui ai pourtant fait des études de théologie et qui connais les Évangiles presque par cœur. C’est le trésor des pauvres.
Jésus, dans l’Évangile, dit : « La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. »
Moi je dis : « Je découvre que la bonne nouvelle nous est annoncée par les pauvres. »
S.C. : Hervé Perrot, quels sont vos espoirs et attentes pour ce mandat ?
H.P. : Mon premier défi, c’est de “me tremper” dans tout ce que Dominique a mis en route, mais aussi dans ce que fait le Secours Catholique depuis des années.
On entre dans une histoire qui a 70 ans… Un arbre pousse vers la lumière, mais il puise aussi dans ses racines.
Je veux être fidèle à une histoire, qui se continuera avec ma personnalité. Pour l’instant je suis en écoute, dans la découverte des dossiers mais aussi des personnes engagées dans toute la France, qui ont le goût de l’humanité, le goût de l'homme debout.
Ce sont des visages, ceux de bénévoles et de salariés d’une association qui a des missions superbes. J’essaierai d’y apporter ma pierre.
D.F. : Pour ma part, je vais continuer dans ma paroisse de banlieue à mettre en œuvre ce que j’ai découvert au Secours Catholique.
Je quitte les responsabilités mais je ne disparais pas pour autant !
Hervé Perrot, une vie d'engagement
Natif de Bretagne, Hervé Perrot entre au séminaire interdiocésain de Vannes après des études en jardins/espaces verts.
Saisi par la présence du Seigneur, il entre au monastère Notre-Dame-de-Timadeuc à 20 ans, avant de rejoindre le séminaire deux ans plus tard. Ordonné diacre en 1992 et prêtre en 1993, il accompagne pendant plus de dix ans, dans son Morbihan natal, des groupes d’enfants, de jeunes et d’adultes dans leur chemin de foi, en parallèle de son activité de prêtre accompagnateur de l’Action catholique des enfants (A.C.E.).
Le père Perrot est ensuite envoyé comme prêtre fidei donum en Nouvelle-Calédonie, à 25 000 kilomètres des côtes bretonnes, où il passe trois années au service de l’Église de Nouméa. En Bretagne comme en outre-mer, il s’investit au plus près des habitants les plus fragiles.
De retour en France, il est nommé en 2004 recteur de la paroisse Saint-Guen à Vannes puis, en 2007, aumônier national de l’A.C.E.Délégué épiscopal à la diaconie du diocèse de Vannes depuis 2013, il est nommé délégué diocésain pour l’interreligieux en 2017.
À la suite de l’appel des Évêques de France, il succède aujourd’hui au père Dominique Fontaine comme aumônier général du Secours Catholique-Caritas France.