COP24 : au Bangladesh, les méfaits très concrets du changement climatique
Les négociations sur le climat de la COP24 se tiennent du 2 au 14 décembre à Katowice en Pologne.
Le Secours Catholique y est présent pour inciter les chefs d’États à prendre des engagements pour mener à un réchauffement maximal de 1,5° au-dessus des niveaux pré industriels à horizon 2100, avec des actions climatiques respectueuses des droits humains.
Car le temps presse. Le changement climatique se fait ressentir aux quatre coins de la planète, notamment dans les pays pauvres. Exemple avec le Bangladesh où le changement climatique frappe de plein fouet les populations les plus vulnérables.
« Il y a de plus en plus de pauvres au Bangladesh en raison du changement climatique »
Entretien avec Sebastian Rozario, directeur adjoint de Caritas Bangladesh, partenaire du Secours Catholique.
Secours Catholique : Quelle est la réalité du changement climatique au Bangladesh ?
Sebastian Rozario : Nous constatons tout d’abord un changement de météo. Traditionnellement nous avions six saisons bien distinctes. Désormais nous ne ressentons plus que quatre saisons : un été, un hiver, une mousson et un petit printemps. Ce bouleversement s’explique par le changement climatique.
Surtout, nous devons faire face de plus en plus à des catastrophes naturelles comme des cyclones, des tempêtes, des raz-de-marée et des inondations. Les océans montent dans le sud du pays.
Par ailleurs avec le réchauffement climatique, les glaciers de l’Himalaya fondent, ce qui engorge encore plus les rivières et crée de nouvelles inondations. Paradoxalement, de son côté, le nord connaît la sécheresse : les nappes phréatiques y baissent. Cette situation est absurde : il y a trop d’eau au sud, et il en manque au nord.
S.C : Quelles sont les conséquences de ce changement climatique pour les populations ?
S.R : Au sud, avec la montée des eaux, les champs sont inondés. Les paysans perdent leurs cultures et leurs maisons. De plus la salinité de l’eau augmente avec les cyclones et cette eau salée n’est pas bonne pour les cultures. L’eau potable se fait donc rare et il manque d’eau douce pour les irrigations au nord comme au sud. Par conséquent les paysans ne font plus qu’une seule récolte par an et cela crée de l’insécurité alimentaire.
Les populations quittent alors les campagnes pour les villes. Il y a de nombreuses migrations internes. Les paysans se retrouvent dans des bidonvilles où ils vivent dans des conditions sanitaires misérables. On constate d’ailleurs une augmentation des maladies. Ils ont des difficultés à trouver du travail et tombent facilement dans des réseaux de drogue pour pouvoir survivre.
S.C : Le changement climatique augmente donc la pauvreté…
S.R : Oui, il y a de plus en plus de pauvres au Bangladesh en raison du changement climatique. Dans le nord par exemple, les différences de température entre l’été – extrêmement chaud – et l’hiver – extrêmement froid – ne sont pas supportables pour le corps humain : des personnes âgées meurent à cause de ça.
On a aussi constaté que même des paysans riches deviennent pauvres en perdant leurs terres inondées et ce, en un jour ou en une semaine. Ils n’ont plus rien et doivent partir.
Chaque année, 500 000 personnes quittent les régions rurales et côtières du Bangladesh pour Dhaka la capitale. 70 % (350 000) de ces gens partent en raison du changement climatique et du fait qu’ils ne peuvent plus cultiver leurs champs.
S.C : Comment la Caritas agit contre cette pauvreté due au changement climatique ?
S.R : Nous agissons sur deux fronts. Tout d’abord nous luttons contre les catastrophes naturelles en éduquant les populations à la résilience pour mieux prévenir le pire. Par exemple, nous avons construit des maisons à bas coût et résistantes aux différentes catastrophes (cyclone, crues, glissements de terrain…) en nous inspirant des méthodes de construction locale. Nous avons aussi construit quelque 250 abris pour permettre aux populations de s’abriter avec leurs élevages et leurs stocks de nourriture en cas de cyclone.
Nous agissons également sur le plan agroécologique pour lutter contre la faim. Ainsi, nous faisons attention à l’eau. Au sud nous avons fait recreuser des canaux familiaux pour recueillir l’eau des pluies et pour mieux irriguer les champs.
300 familles sont dans ce projet. Six entreprises ont même été créées : dans l’agriculture (riz, blé,…), les plantations (mangues, citrons,…), la pisciculture, l’élevage de moutons, de canards et de volailles, ces deux dernières espèces étant résistantes à la salinisation.
Nous avons également introduit des semences résistantes au sel pour améliorer le rendement. Enfin nous avons développé des techniques adaptées aux milieux aquatiques avec des lits de culture surélevés.
Au nord, à l’inverse, nous avons installé des systèmes d’irrigation goutte-à-goutte pour utiliser judicieusement l’eau. Nous avons également introduit des semences tolérantes à la sécheresse et des pompes solaires pour mieux aller chercher l’eau dans le sol. Nous incitons les paysans à faire des cycles courts en alternant les cultures de blé, de riz et de moutarde.
Au final, au nord comme au sud, les agriculteurs ont désormais trois récoltes par an, contre une auparavant. Nous promouvons cette agriculture biologique et la mise en place de compost pour augmenter la fertilité des sols.
Nous voyons les conséquences de nos actions : les gens restent. Ils veulent d’ailleurs rester et nous le disent. Partir pour la ville, c’est le dernier choix. Avec la Caritas nous créons des opportunités pour qu’ils restent.
S.C : Avez-vous l’espoir que la COP24 aboutisse à des décisions politiques courageuses qui feront ralentir le changement climatique ?
S.R : Je crois en la société civile : les ONGs peuvent mener des actions qui auront des effets positifs contre le changement climatique. Je suis optimiste et je pense que des décisions vont être prises car comme le pense le pape François : « Nous avons à sauver notre terre pour nous sauver nous-mêmes. »
Nous devons agir maintenant : c’est le moment approprié pour réduire les émissions en gaz à effet de serre et combattre le réchauffement climatique. Ce n’est pas le problème uniquement des pays en voie de développement, c’est aussi le problème des pays développés : les désastres sont pour toute la planète.
La météo change à l’échelle de la terre : on voit partout un réchauffement anormal, un manque de neige, une fonte des glaces,… Nous devons changer nos comportements sinon nous allons mourir avec le changement climatique. Il faut remettre en cause le développement industriel, les pesticides… Il faut changer maintenant.