Damien Delpech : « Les vacances sont facteur d’insertion sociale »

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Accueil d’enfants dans des familles durant l’été, aide aux séjours individuels ou collectifs… Le Secours Catholique accompagne de longue date le départ en vacances des plus précaires. Pourquoi, avec quels bénéfices, et selon quelles modalités nouvelles ?
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Entretien avec Damien Delpech, coordinateur des actions vacances au Secours Catholique.

 

Secours Catholique : Chaque été, le Secours Catholique se mobilise pour permettre à des familles précaires, à des enfants et à des jeunes, de partir quelques jours en vacances. Pourquoi l’accès aux vacances – et singulièrement au départ en vacances - est un sujet qui est tout sauf futile ou accessoire pour la lutte contre la pauvreté ?

Damien Delpech : Effectivement, le Secours Catholique agit depuis très longtemps en faveur de l’accès aux vacances des plus précaires. C’est même l’une des actions historiques de l’association, au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Cela démontre que l’accompagnement aux vacances a été identifié dès le début par notre association comme constitutif d’une action de lutte contre la pauvreté.
Derrière l’accès aux vacances se jouent en effet plein de choses, comme le renforcement des liens familiaux. Les vacances sont aussi une respiration par rapport aux difficultés du quotidien. Quand on est dans la précarité, le premier budget sacrifié est celui des vacances. Or, on voit bien, les uns et les autres, à quel point le fait de faire une pause à un moment donné, permet, quand on est une famille, de s’offrir ensemble un peu de bon temps, ou, quand on vit seul, de « se poser » et de vivre autre chose que sa routineDix ou vingt ans après, des personnes racontent en quoi ces départs en vacances ont été fondateurs pour elles, dans leur parcours.Dans différentes études que nous avons menées, il ressort que les vacances sont facteur d’insertion sociale. Accompagner les personnes dans des projets de vacances, c’est une façon efficace de les soutenir. Car l’accompagnement de la famille ou de l’enfant est d’emblée global, et à différents niveaux : préparation physique, matériel au départ, à la séparation ; organisation du séjour, travail sur les questions de mobilité, de budget…. C’est aussi d’une grande efficacité car au retour des vacances, les personnes ont fait le plein de souvenirs et créé des liens. Les bénéfices sont mesurables. Dix ou vingt ans après, des personnes racontent en quoi ces départs en vacances ont été fondateurs pour elles, dans leur parcours. 

S.C. : Que constate le Secours Catholique sur le front des inégalités en matière d’accès aux vacances ?

D.D. : Chaque année, près de la moitié des Français ne partent pas en vacances. Derrière quelque chose qui semble facile et concerner tout le monde, il y a donc une autre réalité. Ce dont on est témoin en particulier au Secours Catholique, ce sont les personnes et familles qui ne sont pas éligibles aux politiques sociales d’aide aux vacances, notamment les personnes étrangères. Par ailleurs, celles hébergées en hôtels ou dans des résidences sociales sont également très éloignées de projets de vacances. Les séniors isolés, qui ne sont d’ailleurs pas forcément partis lorsqu’ils étaient actifs faute de moyens financiers, sont également une catégorie de personnes que l’on accompagne dans de tels projets. Les femmes en situation de monoparentalité, et qui n’ont pas nécessairement un réseau familial pouvant les aider, sont aussi particulièrement concernées.

S.C. : Comment le Secours Catholique se mobilise-t-il concrètement sur ce sujet ?

D.D. : Action historique de notre association, l’Accueil familial de vacances (AFV) permet l’accueil d’un enfant le temps de vacances au sein d’une famille, pour deux à trois semaines le plus souvent. Le premier objectif de l’AFV est de soutenir des parents dans les propositions de vacances individuelles de leurs enfants : leur permettre de les faire partir, pour un coût symbolique. Un deuxième objectif est de sensibiliser les citoyens à l’enjeu de la solidarité. Une famille qui accueille chez elle un enfant avec ses fragilités mais aussi ses forces et richesses, va changer de regard, être « déplacée » par cet accueil. Car il y a de la réciprocité : des liens se créent, à moyen et même long terme entre enfants et familles, entre leurs deux réalités de vie. Cela produit du commun. Cet été, environ 500 enfants profitent de ce dispositif. 
5000 personnes sont concernées cet été par une aide aux vacances en familleNous proposons par ailleurs des départs en camps pour des enfants et des jeunes de 6 à 25 ans, grâce à notre partenariat solide avec l’UCPA. Il permet cet été à 400 jeunes de bénéficier de séjours sportifs et culturels. 
Nous accompagnons également les projets de vacances de familles et personnes seules, en séjours individuels ou collectifs. Cet été, 5000 personnes sont concernées. Les deux financeurs de ces projets de vacances sont l’Agence nationale des chèques vacances (ANCV) et les Caisses d'allocations familiales. Alors que les séjours individuels s’adressent plutôt aux familles qui n’ont pas assez de ressources financières, mais qui sont relativement autonomes, les séjours collectifs (plusieurs familles et/ou personnes isolées accompagnées sur un même site) permettent à des foyers très exclus de partir également, avec un accompagnement sur place. 
Le Secours Catholique permet également l’organisation de « Voyages de l’espérance », qui sont proches de vacances dans les objectifs visés : le dépaysement, la rupture avec le décor quotidien.

S.C. : Quelles sont les nouveautés expérimentées ces dernières années par l’association dans l’accompagnement aux vacances ?

D.D. : Nous avons initié un partenariat avec l’association Parents Vacances, fondée en 2019 avec l’idée de faire bénéficier gratuitement d’un prêt de maison à des familles en difficulté accompagnées par un partenaire de confiance. Ainsi, via Parents Vacances, des propriétaires sautent le pas et prêtent leur bien secondaire ou principal une semaine par an. Cet été, une trentaine de familles soutenues par le Secours Catholique bénéficient de ce dispositif. Le Secours Catholique fait le lien entre les propriétaires, l’association Parents Vacances et les vacanciers candidats, pour aboutir à la rencontre et au prêt (en fonction des caractéristiques des biens, de leur localisation, des souhaits des familles, etc.). Des "visios" sont organisées en amont du séjour, un groupe WhatsApp est mis en place pour faciliter les échanges, et un bilan est prévu à la fin. C’est une façon originale de proposer des vacances solidaires, qui vont, là encore, produire de la rencontre, du changement de regard.

Par ailleurs, avons aussi démarré un partenariat avec la fondation « Je pars, tu pars, il part » qui fait l’interface entre les acteurs sociaux des vacances – comme le Secours Catholique - et les professionnels du secteur, en collectant des semaines de vacances pour les plus précaires, et en recherchant des financements auprès d’entreprises. Ce partenariat va nous permettre d’augmenter la palette de réponses que l’on peut proposer aux familles en termes de destinations, selon des formules plus ou moins accompagnées en fonction des ressources et des envies des familles.

Lire aussi : 5 raisons de soutenir l'accès aux vacances pour tous 

Crédits
Nom(s)
Propos recueillis par Clarisse Briot
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Élodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
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