« La vie spirituelle est un ressort dans la lutte contre ce qui écrase »

Thématique(s)
Chapô
Ce 17 novembre marque la 8e édition de la journée mondiale des pauvres, qui coïncide avec la journée nationale du Secours Catholique. Un dimanche pour rappeler la place des plus pauvres au cœur de l’Église et de notre société.
Paragraphes de contenu
Texte

 

Entretien avec 
François odinet, 
aumônier général 
du Secours Catholique-Caritas France

 

Secours Catholique : Quelle est la signification de cette journée mondiale ? De quel message est-elle porteuse cette année ?

François Odinet : Cette journée mondiale a été instituée par le pape François, dans le but de rappeler que les plus pauvres sont au cœur de l’Église. Ce n’est pas une journée qui serait notre seule occasion de penser aux plus pauvres ! Au contraire, elle existe pour nous redire qu’ils sont au centre de l’Église. Autrement dit, c’est une journée qui met en évidence ce que nous sommes appelés à vivre pendant toute l’année. Elle tombe un dimanche : cela veut dire que nous sommes appelés à allier la célébration - celle du Christ ressuscité - à l’attention aux plus pauvres, à la rencontre et au service des plus pauvres. Ce ne sont pas des réalités différentes : au contraire, dans la foi, quand on est appelé à vivre à la suite du Christ, la prière, la célébration et le service des plus pauvres ne font qu’un.

Beaucoup de gens qui vivent dans la misère témoignent de ce que la prière fait partie de ce qui les garde debout.

Le pape François insiste beaucoup pour nous redire que les plus pauvres sont au cœur de l’Église, parce que c’est à la fois évident et oublié. Oublié, car c’est tellement facile de fonctionner seulement avec ceux que l’on voit le plus ou qui parlent le mieux. C’est facile aussi de penser que les plus pauvres sont en dehors de l’Église et que l’on fait un mouvement vers eux pour aller les servir. Cette journée est là pour nous redire que des personnes qui connaissent la précarité, la misère ou la violence ne demandent qu’à entrer et à être accueillis dans notre Église, et même que certaines sont déjà là, même si on ne les voit pas toujours.

Cette année, le thème choisi par le pape est : « la prière du pauvre s’élève jusqu’à Dieu ». Pour moi c’est significatif, parce que l’on pourrait penser que la question de la prière passe après les considérations matérielles : le logement, l’alimentation, le besoin de sécurité, etc. Or, je crois que ce n’est pas vrai dans l’esprit du pape, et pas juste sur le terrain. Beaucoup de gens qui vivent dans la misère témoignent de ce que la prière fait partie de ce qui les garde debout, en fait. Et donc, prêter attention à la vie spirituelle des plus pauvres, à leur prière, et même essayer d’apprendre à prier à leur école, cela fait partie du chemin que l’on est appelé à faire avec ces personnes.

Texte

S.C. : Quelle résonance peut avoir cette journée pour notre société toute entière ?

F.O. : D’abord, comme le dit le pape dans son message pour cette journée, la prière des pauvres nous rappelle ce qui est essentiel à la vie. Cette journée mondiale des pauvres et cette journée nationale du Secours Catholique nous remémorent donc qu’au contact de ceux qui ont la vie la plus difficile, on est renvoyé à ce qui est essentiel dans l’existence.

Ensuite, la journée nationale du Secours Catholique nous aide à prendre conscience que sans les associations, sans les personnes engagées pour faire vivre la fraternité et la solidarité, notre société ne tiendrait pas debout : elle se serait déjà effondrée. Nous sommes un pays où la vie associative est dense, et le Secours Catholique est l’une des très grandes associations du pays. C’est important d’honorer cette réalité-là : elle fait vivre notre pays. C’est aussi l’occasion de dire à des personnes : si vous cherchez à faire vivre la solidarité, venez essayer de le faire avec nous !

Ce qui peut nous réunir c’est d’être autour des plus pauvres, et non pas de les exclure, de les désigner comme boucs émissaires, ou de les oublier.

Enfin, je crois qu’une journée comme celle-là nous rappelle – c’est vrai pour l’Église, et peut-être pour la société aussi – que notre unité doit se faire autour des plus pauvres, et non pas contre eux ou sans eux. C’est une réelle tentation dans une période où l’on ne voit pas clair, où des tensions très fortes s’expriment dans notre société, et parfois dans l’Église aussi. Il faut nous souvenir que ce qui peut nous réunir c’est d’être autour des plus pauvres, et non pas de les exclure, de les désigner comme boucs émissaires, ou simplement de les oublier. C’est un message central pour l’Église, et je pense que cela a aussi une forte résonance sociale. 

S.C. : Pourquoi le Secours Catholique estime-t-il important de prendre en compte la spiritualité des personnes en précarité qu’il accompagne, et comment le fait-il ?

F.O. : C'est important car la vie spirituelle est un moteur, je dirais même un ressort, dans la lutte contre ce qui met par terre, contre ce qui écrase. C’est vrai dans les vies personnelles, et c’est vrai aussi socialement, dans la lutte contre la misère. Si on oublie cette dimension spirituelle, on fait violence aux personnes. Car dans ce qui les fait tenir debout quand tout concourt à les écraser, il y a l’espérance, le sens, la confiance ou le cri vers Dieu, la force que peut donner aussi l’appui sur une communauté religieuse. La spiritualité permet de prendre en compte la personne dans sa globalité, dans son ensemble, comme personne.

On le vit au Secours Catholique en proposant des groupes dédiés : des groupes de parole, de méditation de la Bible, des temps forts spirituels comme les voyages de l’Espérance. Mais plus largement, je suis convaincu que l’effort du Secours Catholique, pour passer d’actions d’aide vers l’accompagnement des personnes, revêt une dimension spirituelle. Il est très important de traiter les personnes non pas comme celles qui rencontrent tels problèmes qu’on va traiter, mais comme des sujets de leur propre existence.

Vivre notre messe spéciale en ligne

Crédits
Nom(s)
Propos recueillis par Clarisse Briot
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Élodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
Pour rester informé(e)
je m'abonne à la newsletter