Lutte contre la traite : « Il est urgent pour la France de se doter d’une stratégie »
Geneviève colas, coordinatrice du collectif "EnsembLe contre la traite des êtres humains"*
La sortie du 3e plan d’action national contre la traite des êtres humains, initialement prévue pour le 18 octobre, a été reportée par le gouvernement. Pourquoi ce plan est-il très attendu ?
Geneviève Colas : Le dernier plan d’action national contre la traite, qui couvrait la période 2019 à 2021, a montré ses limites par manque de réelles politiques et de moyens effectifs. Deux ans après la fin de ce précédent plan, et malgré le travail mené entre les associations et les institutions, il nous faut encore attendre. La France doit de façon urgente se doter d’une stratégie, d’un plan de travail et de moyens adaptés pour lutter contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes : exploitation sexuelle, travail forcé, esclavage domestique, contrainte à commettre des délits, obligation à mendier, mariage forcé, trafic d'organes...
Ce report est aussi un retard pris sur les engagements internationaux de la France ?
G.C. : En effet, à l’occasion de son Examen Périodique Universel en matière de droits de l’Homme à l’ONU en 2023, la France a affirmé son engagement contre la traite. En repoussant la sortie de ce plan, le gouvernement ne tient pas sa promesse faite aux organisations internationales comme à la société civile française. Nous regrettons fortement que l’exécutif ne prenne pas plus la mesure de la question de la traite.
Quelles sont les principales mesures que ce plan devrait mettre en place ?
G.C. : Nous demandons cinq priorités transversales à toutes les formes de traite. Il faut d’abord mettre en place un mécanisme national d’identification, d’orientation et d’accompagnement des personnes victimes de traite. Celui-ci doit favoriser la coopération entre les institutions et les associations afin de faciliter le repérage des victimes et leur accompagnement dans des structures adaptées (santé, hébergement, emploi, justice...).
La deuxième priorité est d’élaborer un plan de formation pour tous les acteurs au contact de potentielles victimes, qu’il s’agisse des policiers, magistrats, avocats, enseignants, personnels de santé… Le but étant que ces professionnels sachent reconnaitre une personne victime de traite et aient les compétences pour l’orienter.
La troisième priorité concerne l’attention particulière que nous devons porter aux mineurs. Il faut reconnaitre leur statut de victime, quel que soit leur âge entre 0 et 18 ans, et préparer leur passage à la majorité.
La quatrième priorité est de proposer des solutions d’hébergement adaptés aux victimes afin de favoriser leur insertion ainsi qu’un accompagnement global et durable.
Enfin, la cinquième priorité est de sensibiliser le grand public sur cette question, notamment à l’heure des grands événements sportifs internationaux comme les Jeux Olympiques de 2024 que la France se prépare à accueillir, et qui sont des terrains favorables à l’exploitation et la traite humaine.