Lutte contre la traite : « Ne pas attendre le début des Jeux Olympiques de Paris pour agir »

Geneviève colas, coordinatrice du collectif "EnsembLe contre la traite des êtres humains"*

En quoi les grands évènements internationaux sportifs sont un terrain favorable à l'exploitation et à la traite humaine ?
Geneviève Colas : Compte tenu de l’ampleur et de leur caractère international, les grands évènements mondiaux sportifs, tout comme les manifestations internationales culturelles et artistiques, génèrent un risque important de traite des êtres humains. L’expérience de précédents rassemblements de ce type montre une vulnérabilité accrue de certaines populations au risque d’exploitation. En 2006, le Groupe de suivi de la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains (GRETA) avait déjà souligné le lien entre les évènements sportifs d’envergure internationale et l’augmentation de la traite des personnes. Plus récemment, des personnes ont été condamnées après avoir forcé des mineurs à voler dans le métro durant l’Euro de football en 2016.

Quelles formes de traite des êtes humains peuvent se développer en marge de ces évènements ?
G.C. : Elles sont plurielles. En amont, il y a un risque d’exploitation de travailleurs pour la construction dans un temps court d’infrastructures à la fois sportives et en terme d’hébergement, nécessaires à l’organisation de grands tournois. À l’approche et pendant les évènements, il y a un risque de recrudescence d’autres formes de traite humaine, telles que l’exploitation sexuelle directe ou en ligne. Le risque d’esclavage domestique ou d'exploitation au travail est aussi plus élevé durant ces évènements du fait de la nécessité d’héberger un très grand nombre de touristes.

Les enfants, en raison de leur âge, de leur situation de dépendance et de leur fragilité psychologique et émotionnelle, sont des proies faciles pour les trafiquants qui cherchent à les exploiter sexuellement ou à les contraindre à commettre des infractions ou à mendier.

Bien que le conseil d’administration des Jeux Olympiques de Paris 2024 ait mis en place un comité d’éthique, l’équipe organisatrice n’est pas en mesure de tout contrôler, notamment le danger de la sous-traitance à outrance dans les chantiers de construction des équipements olympiques.

Quels sont les leviers d’action qui peuvent freiner ou arrêter ce phénomène ?
G.C. : Face à l’inquiétude que suscitent les prochains Jeux Olympiques de Paris, il convient de ne pas attendre le début de la compétition pour agir sur le modèle des campagnes de prévention et de sensibilisation contre la traite humaine qui ont eu lieu à Londres pour les JO 2012 ou lors de la Coupe du monde 2014 au Brésil. A cette occasion-là, le réseau d’associations ECPAT (end child prostitution and trafficking) avait mené la campagne de sensibilisation « Ne détournez pas le regard » et diffusé des messages de prévention contre les risques liés au tourisme sexuel impliquant des enfants au Brésil, un pays où 500 000 enfants seraient en situation de prostitution. Ces mêmes messages avaient été repris dans le « guide du supporter » publié par le Ministère des affaires étrangères français.

Dès septembre, le collectif Contre la traite des êtres humains publiera sur son site un outil pédagogique pour sensibiliser des publics spécifiques – sportifs, stadiers, personnels de sécurité, supporters, pouvoirs publics – aux risques de différentes formes d’exploitation humaine. Cet outil prendra la forme d’un livret composé de neuf récits de victimes de traite.

Par ailleurs, le collectif multiplie les échanges avec la Mission interministérielle de lutte contre la traite (MIPROF) et les ministères concernés notamment pour un meilleur accompagnement des victimes.