Lutte contre la traite : quelques avancées importantes mais peu de moyens
Geneviève colas, coordinatrice du collectif "EnsembLe contre la traite des êtres humains"*
Vous qui êtes associée à la réflexion du gouvernement sur ce sujet, quelles sont les avancées de ce nouveau Plan national de lutte contre la traite des êtres humains ?
Geneviève Colas : Effectivement, nous avons été associés à la réflexion mais pas à sa rédaction. Nous avons attendu deux ans ce nouveau plan qui reprend un bon nombre de mesures préconisées mais n’indique pas les moyens nécessaires à leur réalisation, ni les indicateurs qui permettraient de l’évaluer.
Un point positif de ce Plan est la distinction faite entre les diverses formes de traite. Dans le premier Plan, il semblait que la traite ne recouvrait que l’exploitation sexuelle, forme majoritaire en France mais qui n’est pas la seule. L’exploitation à des fins économiques et par le travail est aussi développée dans le Plan même si la question de l’esclavage domestique semble y être oubliée. La contrainte à commettre des délits ou l’obligation à mendier sont identifiées mais il est regrettable que ces deux formes soient confondues dans un même axe du Plan… sans doute parce qu’elles sont moins connues.
Ce Plan comporte de nombreuses mesures. Y en a-t-il une qui vous parait primordiale ?
G. C. : La mesure la plus urgente du Plan est la création du mécanisme national d’identification, d’orientation et de protection des victimes. Ce mécanisme doit permettre de mieux protéger et accompagner. Il devra être connu de tous les personnels et bénévoles à même d’entrer en contact avec les victimes de traite : police, justice, santé, éducation, services sociaux, associations…et faciliter la coordination des acteurs. Il devra se décliner à tous les niveaux, du local au national, et en lien avec l’international. Pour que ce mécanisme soit efficace, il implique formation et communication de tous ces personnels. Or le Plan ne mentionne pas les moyens nécessaires à cette formation et à cette communication.
Par ailleurs, la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), porteuse du Plan, ne mentionne pratiquement pas les associations dans sa mise en œuvre. Nous espérons pourtant que les associations et les syndicats pourront collaborer à ce mécanisme d’identification, ainsi qu’à la protection et à l’accompagnement des victimes. Car nous devons veiller à ce que ce mécanisme traite en victime, et non en délinquant, celui ou celle qui aura été contraint à commettre un délit ou à mendier. Nous devons aussi veiller, par exemple, à ce que ce mécanisme assure une réelle protection, ouvre des droits et un accompagnement aux victimes.
Les enfants sont souvent exposés à la traite des êtres humains. Le Plan y consacre plusieurs mesures. Quel est votre point de vue sur ces mesures ?
G. C. : Le Plan pointe plusieurs situations ayant trait aux enfants, et nous saluons cette avancée. Nous sommes toutefois inquiets pour les enfants qui s’apprêtent à devenir majeurs. Notamment les enfants migrants. Certains de ces mineurs, suivis par l’Aide sociale à l’enfance jusqu’à leurs 18 ans, peuvent être renvoyés à la rue à leur majorité. Et la nouvelle loi sur l’Immigration apporte plus d’inquiétude que de solutions en matière de respect des droits de l’enfant.
Que manque-t-il à ce Plan, selon vous ?
G. C. : En termes de mise-en-œuvre, nous n’avons aucune lisibilité à ce jour de ce qui est du domaine de chaque ministère ou des associations. La mission interministérielle de lutte contre la traite a très peu de budget propre et doit donc s’appuyer sur le budget des autres ministères pour réaliser ce plan.
Enfin, nous souhaiterions que l’application de ce Plan fasse l’objet d’une évaluation à mi-parcours. Ce qui permettrait de mieux avancer lors des deux dernières années du Plan et surtout d’être prêt pour le suivant.