Migrations environnementales : « Il faut continuer à travailler à la mise en place de voies sûres et légales »

Chapô
Le sommet du Forum mondial sur la migration et le développement s’est tenu la semaine dernière à Genève, sous présidence française. Il a rassemblé États et société civile aux côtés du secteur privé et des collectivités locales. Le Secours Catholique était présent pour porter son plaidoyer sur la défense des droits des migrants environnementaux. Retour sur ce sommet avec Marie Lobjoy, chargée de plaidoyer Migrations internationales pour l’association.
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Marie LobjoyEntretien avec Marie Lobjoy, chargée de plaidoyer Migrations internationales au Secours Catholique

 

La thématique du sommet, qui a clôturé la présidence française au Forum, était : « l’impact du changement climatique sur la mobilité humaine ». Est-ce que cela signifie que le lien est désormais reconnu entre les migrations et le changement climatique ?

Marie Lobjoy : Il faut rappeler que l’impact négatif du changement climatique sur les mobilités humaines a déjà été reconnu dans le « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » signé à Marrakech en 2018. Mais le fait que cette 14ème édition du Forum mondial migrations et développement se focalise sur cette thématique majeure est très positif. Cela a permis d’approfondir un dialogue inter-étatique et aussi avec la société civile sur l’impact du changement climatique sur les populations.

Rappelons aussi que ce lien entre migration et changement climatique a été fait en décembre à la COP28 à Dubaï. Les migrations et déplacements ont notamment été pris en compte dans la déclaration de la COP qui a lancé le Fonds sur les pertes et dommages. C’est une reconnaissance importante qui permet d’ouvrir la voie au financement des communautés vulnérables dans les pays en développement.

 

Le Secours Catholique a co-présidé la délégation de la société civile lors de ce Forum mondial migrations et développement à Genève. Y a-t-il eu des avancées majeures ? Des déceptions ?

M. L. : Ces sommets sont des processus informels, c’est à dire que le but n’est pas tant de prendre des décisions que d’avoir un espace de dialogue et de discussions fluides et innovantes permettant de structurer les priorités de l’agenda international en matière de migration.

Ainsi, nous nous réjouissons qu’il ait été reconnu que le droit à migrer doit être accompagné du droit à rester. L’idée semble acquise que les États ne doivent pas se défaire de la nécessité d’agir sur les causes du changement climatique. Ceci est le fruit du travail de la société civile effectué ces dernières années, qui a plaidé en faveur d'une protection sociale et juridique pour les migrants environnementaux et pour les personnes qui ne peuvent pas quitter les zones affectées par le changement climatique. 

Nous allons poursuivre notre travail de plaidoyer auprès des institutions françaises


Mais nous déplorons le fait que la France, pourtant présidente du Forum, ait semblé absente des tables rondes et des discussions en profondeur. Ça n’est pas bon signe. Nous allons donc poursuivre notre travail de plaidoyer auprès des institutions françaises pour nous assurer que les enjeux abordés lors du sommet soient réellement pris en compte.  Et nous attendons le rapport d’analyse que doit rendre la France pour clôturer sa présidence fin mars.

Nous regrettons aussi le fait que la société civile, pourtant partie prenante, n’ait eu qu'une place limitée dans cet espace inter-étatique :  seules 120 personnes représentaient les organisations de la société civile. Ces derniers mois, nous avons dû nous battre pour avoir un réel espace de contribution.

Malgré tout, nous nous réjouissons d’avoir pu porter la voix des communautés affectées par le changement climatique, pour témoigner des réalités vécues sur le terrain. Nous avions en effet invité Shakirul Islam de l’organisation bangladaise OKUP, qui a pu relayer des témoignages de personnes migrantes recueillis dans son pays et mettre en avant les recommandations de notre étude publiée en septembre dernier (« Libres de partir, libres de rester : protéger les droits humains dans le contexte des mobilités environnementales ».)

 

Quels sont maintenant les prochaines étapes ? Quelles recommandations allez-vous continuer à porter ?

M.L. : Le respect des droits humains des personnes touchées par le changement climatique est au cœur de notre plaidoyer. 

Nous voulons la mise en place de voies sûres et légales de migration pour les migrants environnementaux, et des décisions de politiques publiques relatives à l’accès aux services de base. Comme le montre notre étude, l’absence de voies de migrations légales renforcent les vulnérabilités des personnes qui se déplacent, qui se retrouvent exposées à des risques d’exploitation en violation de leurs droits humains.  

Faire de la migration un choix et non une nécessité


Nous voulons aussi rappeler que se déplacer doit être un choix et non le résultat d’une incapacité des autorités à protéger convenablement les populations contre les effets néfastes du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Ainsi, les pays du Nord ont une responsabilité accrue concernant la prévention et la limitation des émissions de gaz à effet de serre, la destruction de la faune et la flore, etc. Il s’agit de garantir le droit de rester, pour faire de la migration un choix et non une nécessité.

Lors du sommet à Genève, la Colombie a annoncé reprendre la présidence du Forum mondial migrations et développement pour les deux prochaines années. C’est un bon signe car l’Amérique latine est assez progressive et innovante sur ce sujet. Nous allons donc nous rapprocher dans les prochains mois des partenaires du Secours Catholique sur le continent latino-américain pour travailler ensemble.

Nous allons également suivre de près la Revue régionale sur les migrations en Europe attendue en mars, et la Revue du Pacte mondial sur les migrations de Marrakech attendu dans deux ans. Nous allons veiller au fait que la société civile soit vraiment représentée dans ces processus de décision, pour que les voix des personnes migrantes soient au centre des décisions et veiller à ce que le processus soit axé sur la protection des droits humains.
 

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Crédits
Nom(s)
Propos recueillis par Cécile Leclerc-Laurent
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Elodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
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