Pérou : une victoire historique pour les peuples autochtones
Le combat a débuté en 2006. Les peuples Awajún et Wampis ont vu débarquer sur leurs territoires des entreprises d’extraction pétrolières.
En août 2014, ils ont déposé une plainte contre l’État péruvien, soutenus entre autres par les partenaires du Secours Catholique, à savoir le CAAAP (Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique) et CooperAccion, dénonçant des atteintes à leurs droits et à l’environnement.
En 2015, le Secours Catholique et le CCFD-Terre Solidaire ont alors publié avec ces mêmes associations un rapport « le baril ou la vie » pointant du doigt les impacts des activités pétrolières de Maurel & Prom et Perenco, deux entreprises françaises, sur la vie des peuples Awajún et Wampis.
Le 20 août dernier, la cour d’appel de Lima a tranché et a ordonné la suspension des activités pétrolières sur ce lot 116, tant que les peuples n’auront pas été consultés.
Entretien avec Joël Da Costa, en charge du Pérou pour le Secours Catholique.
Secours Catholique : En quoi la décision de la cour d’appel de Lima est une victoire historique ?
Joël Da Costa ; C’est la première fois que la justice péruvienne acte qu’à la fois l’État mais aussi les entreprises d’extraction doivent demander l’avis au préalable des populations autochtones vivant sur ce territoire. Jusqu’ici, l’État signait avec telle ou telle compagnie, négligeant la Convention numéro 169 de l’OIT (Organisation internationale du travail) relative aux peuples indigènes qu’il a pourtant signée.
Cette convention rappelle que les populations autochtones doivent être consultées sur les questions qui les affectent, qu’elles doivent être au préalable informées sur les bénéfices et les risques de l’exploitation et que la consultation doit être libre et représentative.
Cette décision de justice est donc une victoire pour faire entendre la voix des peuples autochtones qui ont leur mot à dire. Et on a l’espoir qu’elle fasse jurisprudence pour les années à venir.
S.C. : Quels sont les impacts des politiques d’extraction pour les peuples autochtones ?
J.D.C. : Concernant le cas actuel du lot 116, nos partenaires avaient rapporté des cas de pollution des rivières et de contamination des terres, ce qui non seulement a des conséquences négatives sur l’environnement mais aussi sur l’alimentation et la santé des peuples autochtones.
En effet, les maladies hydriques comme les diarrhées ou parasitoses ont augmenté avec la pollution des rivières ; les espèces halieutiques s’étant raréfiées et les sols s’étant appauvris, il était aussi devenu difficile de se nourrir.
Les impacts sont aussi économiques puisque les populations qui vivent sur ces terres ne perçoivent pas les revenus de leurs ressources. Or, elles vivent ici depuis plus de 1000 ans. On doit respecter leur droit à vivre sur leur territoire et donc les consulter.
S.C. : Au-delà de cette décision, avez-vous l’espoir que les politiques d’extraction ralentissent ?
J.D.C. : Il est clair que c’est un modèle prédateur qui détruit l’environnement mais au-delà d’être pour ou contre, le plus important est de laisser aux populations concernées le choix en les consultant. Cette victoire est positive pour l’Amazonie.
Ça bouge aussi dans d’autres pays. On espère que demain, les entreprises d’extraction ne feront plus ce qu’elles veulent, en toute impunité…