Présidentielle : les plus précaires prennent la parole
« J’espère que l’on sera entendu, que cela donnera quelque chose. C’était en tout cas un soulagement de pouvoir s’exprimer, et un plaisir d’être écouté sans jugement », se félicite Gisèle, 50 ans. Avec Claire, 54 ans, et Fulbert, 44 ans, cette habitante du Var a vécu une journée entière au sein de la rédaction parisienne du journal La Croix.
Tous trois se sont notamment prêtés à un grand entretien publié dans l’édition du 2 mars dernier, avec pour objectif de faire une place, dans le débat électoral où elles sont peu présentes, aux problématiques de pauvreté qu’ils connaissent.
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Gisèle a ainsi pu témoigner des difficultés à boucler les fins de mois, quand, comme elle et son mari en recherche d’emploi, on perçoit le RSA. « Quand tous les prix augmentent, que le 15 du mois on n’a déjà plus rien, et que l’on nous annonce que cela va empirer, on se demande comment on va tenir ! explique-t-elle. Mais on entend peu de monde se soucier des problèmes des personnes comme nous… ».
Dans les colonnes du journal, Gisèle a également pu exprimer la nécessité d’agir en matière d’accès à l’emploi, « pour les personnes qui comme moi ont un certain âge, pas de diplôme et pas de voiture ».
La démarche conjointe du journal La Croix et du Secours Catholique de « donner la parole » à ceux qui vivent la pauvreté est également cruciale aux yeux de Claire, venue du Secours Catholique du Gard où elle est engagée dans une action de paniers solidaires, pour porter cette parole.
« On entend parler de pauvreté en général, mais très peu des réalités singulières qu’elle recouvre, et des êtres humains qu’elle touche, explique-t-elle. Elle peut frapper des gens très différents. Pour moi, ça a été très violent, sidérant même, avec un aspect honteux : je n’avais pas réussi à assurer, notamment pour mes enfants. Témoigner permet aussi de dire que la pauvreté n’est pas une identité, mais un ensemble de problématiques. »
Prendre la parole et interpeller à travers les lignes d’un journal participe d’une « place » et d’une « valeur » retrouvées pour cette ex infirmière libérale qui a brutalement basculé dans la pauvreté après un accident de santé. « Et puis nous sommes des citoyens comme les autres, nous avons une carte électorale ! », ajoute-t-elle.
« Le gouvernement doit protéger les plus faibles, considère Fulbert, qui a participé à la démarche avec Claire et Gisèle. Ils sont plusieurs candidats à prétendre gouverner, il était temps de les interpeller, car ils sont souvent éloignés des réalités que l’on vit ». Chauffeur VTC en région parisienne, ce père de famille s’estime désormais sorti de la pauvreté, mais souhaite que son expérience soit utile.
« on s'est sentis écoutés »
« Dans l’échange pour le journal, j’ai insisté sur la problématique du logement, précise Fulbert. Orienter sa vie, prendre des décisions demande de pouvoir réfléchir. On ne peut pas le faire depuis un bout de trottoir. Avoir un logement représente une stabilité physique et psychique qui permet la prise de recul. Un logement, c’est la base, le premier facteur pour sortir de la misère ». Fulbert interpelle ainsi les candidats sur la nécessité d’assurer un accès au logement pour tous.
Gisèle, Claire et Fulbert soulignent tous trois l’intérêt d’avoir pu pointer des préoccupations peu visibles dans le débat. « Tout ce que l’on a dit n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, ça va aider », espère Fulbert. « On s’est sentis écoutés, et importants, abonde Claire. Pour une fois, nous ne sommes pas juste des chiffres que l’on balaie ».