Réforme du RSA : notre évaluation

Chapô
La loi pour le plein emploi prévoit de mettre en place au 1er janvier un “accompagnement rénové” des personnes allocataires du revenu de solidarité active (RSA) en conditionnant le versement de leur allocation à un minimum de 15 heures d’activité par semaine. Au risque d’accroître la précarité de ménages déjà vulnérables. Le Secours catholique, Aequitaz et le mouvement ATD Quart-Monde demandent la suspension de la réforme et la prise en compte de 4 alertes formulées dans un bilan des expérimentations RSA publié le 14 octobre.
Paragraphes de contenu
Texte

Nos inquiétudes

  •  Un accroissement du non-recours
    Dans l’étude “Premier bilan des expérimentations RSA : 4 alertes pour répondre à l’inquiétude des allocataires”, le Secours Catholique révèle qu’en un an, le taux de non-recours au RSA a augmenté de 10,8 % dans les départements qui expérimentent la réforme, tandis qu’il diminue de 0,8 % dans les autres départements. Il peut s’agir d’une conséquence directe de cette réforme qui durcit les conditions d’accès au RSA ainsi que les sanctions. 
     
  • Le risque de travail gratuit
    La nature des activités que les personnes seront obligées d’effectuer, non précisée dans le texte de loi, porte à s’interroger. Il y a un risque qu’elles consistent à leur faire réaliser un vrai travail, mais non rémunéré. Et que cela tire le marché du travail vers le bas. Dans l’Eure, par exemple, le maire d’une petite commune a prévu, pour des raisons budgétaires, que l'entretien du cimetière, normalement effectué par du personnel communal, soit désormais réalisé gratuitement par des allocataires du RSA.
     
  •  L’automatisation du choix des parcours d’insertion
    À partir du dossier rempli par la personne, un algorithme évalue si celle-ci est plus ou moins éloignée de l’emploi et donc détermine l’organisme de prise en charge (France travail ou département) et le parcours d’accompagnement auquel correspond un nombre d’heures d’activité obligatoires. Cette automatisation affaiblit l’autonomie des personnes, leur pouvoir de choisir leurs priorités d’insertion et favorise le risque de passer à côté de certaines informations essentielles, comme l’état psychique de la personne. Cela accroît la potentialité d’un parcours inadapté, d’exigences impossibles à respecter et donc de sanctions pouvant aller jusqu’à la radiation.
     
  • Un objectif retour à l’emploi à tout prix
    Ce projet de loi tend à forcer le retour à l’emploi des personnes au RSA et notamment dans les métiers en tension. Or bon nombre d’allocataires, du fait de leur état de santé, sont en incapacité d’occuper ces emplois qui présentent bien souvent des conditions de travail difficiles. Par ailleurs, on constate que pour l’essentiel des “sorties en emploi”, il s’agit de contrats précaires de moins de six mois, donc insuffisants pour avoir droit au chômage et éviter, en fin de compte, un retour au RSA. Nous craignons que les personnes se retrouvent enfermées dans une boucle “emploi de subsistance-minima sociaux” et regrettons que l’objectif de retour à l’emploi à tout prix prenne le pas sur celui de la lutte contre la pauvreté. 
     

    Allocataires du RSA : « L’activité hors emploi doit être reconnue »
     

Chiffres clés
Chiffre
1,8 million
Description
d’allocataires du RSA en France.
Chiffre
636 euros
Description
par mois, c’est le montant du RSA (avec forfait logement) pour une personne seule, soit 45 % du Smic.
Chiffre
811 euros
Description
par mois, c’est le seuil d’extrême pauvreté en France (soit 40 % du niveau de vie médian).
Texte

Notre alternative 

« Une politique efficace nécessite d’investir dans un accompagnement bienveillant des personnes »

Par Sophie Rigard, chargée de projet "Accès digne aux revenus" au Secours Catholique.

 « Vivre avec 600 euros par mois est un combat de tous les jours. Les personnes que nous rencontrons sont très loin de l’éternel cliché de l’assisté, ayant besoin d’être “activé” ou “remobilisé”, que certains responsables politiques veulent leur appliquer. Ce cliché est un poison, pour les personnes visées qui le ressentent comme une humiliation et une injustice, mais aussi parce qu’il fonde toute une politique publique sur un postulat erroné. 

Ce n’est pas d’être “activées” que les personnes privées d’emploi ont besoin, mais d’être écoutées, comprises, bien accompagnées et sécurisées dans leur quotidien pour pouvoir sortir d’une dynamique de survie. Nous souscrivons à l’objectif annoncé de renforcer l’accompagnement, mais la loi pour le plein emploi n’apporte aucune garantie sur l’augmentation, pourtant indispensable, des moyens humains consacrés à l’accompagnement. 

De même, menacer de diminuer ou de supprimer le RSA si l’allocataire ne fait pas toutes ses heures d’activité ne fait qu’accentuer la précarité psychologique et matérielle alors que les personnes au RSA ont au contraire besoin de stabilité et de sécurité pour se projeter dans l’avenir. C’est pourquoi nous demandons que ce revenu minimum soit augmenté à 40 % du revenu médian et que les sanctions soient réservées aux cas avérés de fraude. La lutte contre la pauvreté doit redevenir la boussole du RSA. C’est aussi un gage d’efficacité pour le retour à un emploi décent et durable. »
 

Crédits
Nom(s)
Benjamin Sèze
Fonction(s)
Journaliste
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