Une alimentation saine et durable pour tous les enfants scolarisés, et si on essayait ?
En France, près de 7 millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020 (selon les derniers chiffres de la Direction générale de la cohésion sociale). Les personnes dépendantes de cette aide se privent régulièrement de repas, comme le montre le rapport "État de la pauvreté en France 2021" du Secours Catholique.
Elles sont également davantage exposées aux maladies liées à l’alimentation (diabète, maladies cardiovasculaires). Plus les budgets sont serrés, plus la qualité nutritionnelle de l’alimentation est contrainte. La flambée des prix, probablement exacerbée par la guerre en Ukraine, risque d’accroître cette précarité.
Pour les familles modestes, les repas pris à la cantine sont un moyen de nourrir correctement leurs enfants. Mais aujourd’hui, les familles précaires y ont moins accès que les autres. Quant à la qualité des repas servis, elle n’est pas à la hauteur des enjeux de la transition agroécologique.
- Au moins 7,4 millions d’élèves sont nourris tous les jours dans les cantines.
- Au collège, les élèves issus de familles défavorisées sont deux fois plus nombreux (40% d’entre eux) à ne pas manger à la cantine que les élèves issus de familles favorisées (22 %) et très favorisées (17 %)*.
- Seules 36 % des collectivités territoriales pensaient être en mesure d’atteindre en 2022 les objectifs de la loi EGalim en matière d’approvisionnement de qualité ou bio dans la restauration collective publique**.
Notre témoin : Gisèle, au RSA, deux enfants à charge
Du fait de ses faibles ressources, Gisèle, accompagnée par le Secours Catholique dans le Var, a du mal à remplir son frigo et à payer les factures de cantine de ses enfants. Souffrant de diabète, elle aspire pourtant à mieux se nourrir, ainsi que sa famille.
Gisèle
S’il existe un soutien de l’État aux communes pour mettre en place une tarification sociale de la cantine pour les élèves de primaire (« cantine à 1 euro »), le dispositif ne fonctionne pas très bien. Et comme en témoigne Gisèle, les aides aux foyers modestes pour payer la restauration scolaire restent disparates selon les territoires, en particulier pour les collégiens et lycéens. Les familles peinent à s’y retrouver, préférant, pour certaines, renoncer à inscrire leurs enfants.
À l’occasion des élections, le Secours Catholique interpelle les candidats et futurs élus afin d’améliorer l’accès à la restauration scolaire et la qualité de son offre. Il demande que soit assuré l’égal accès à la cantine sur l’ensemble du territoire, notamment par un soutien pérenne de l’État pour généraliser la tarification sociale.
Direction action et plaidoyer France du Secours Catholique
Le Secours Catholique plaide aussi pour que soit étudiée l’automatisation de la tarification sociale dans les cantines, afin de mieux lutter contre le non recours à cette aide. Plus globalement, pour permettre au plus grand nombre d’accéder à une alimentation saine, durable et de qualité, le Secours Catholique recommande d’agir directement sur les ressources des ménages, notamment en revalorisant les minimas sociaux.
Découvrez toutes les recommandations du Secours Catholique sur l'accès à l'alimentation.
L’expert : Nicolas Bricas, socio-économiste de l’alimentation
Nicolas Bricas est socio-économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et titulaire de la chaire Unesco Alimentation du monde. Il soutient que l’accès à la cantine pour tous les enfants est un enjeu fort de la lutte contre la précarité alimentaire. La cantine est en effet un lieu d'apprentissage des règles commensales et, plus largement, de la vie en société. C'est aussi un espace de réflexion sur les enjeux alimentaires (d'où viennent les aliments consommés ? comment ont-ils été produits ? etc.), préfiguration d'une "démocratie alimentaire" qui n'exclue personne.
Pour l’économiste, le soutien de l’État pour généraliser l’application d’une tarification sociale est nécessaire. Il s’agit aussi d’accompagner les collectivités territoriales vers un approvisionnement durable et de qualité. Cela implique notamment de travailler avec les agriculteurs locaux pour que leurs productions répondent aux besoins des cantines. Cette structuration des filières pourrait avoir un effet d’entraînement vertueux en matière d’approvisionnement, au-delà de la restauration scolaire.
Faim de dignité, État de la pauvreté en France 2021 (rapport statistique du Secours Catholique), novembre 2021
Prise de son : Aurore Chaillou