Bruce, ancien détenu : « Une activité culturelle peut changer la détention »

« J’ai été incarcéré en 2010 et condamné en 2012 pour vol à main armée en récidive. Lors de la première partie de ma peine, à la maison d’arrêt des Baumettes, à Marseille, j’avais rejoint un groupe de musique et avec lui j’avais appris à jouer de la guitare, de la basse et de la batterie. Lorsque j’ai été transféré au centre pénitentiaire de Réau, j’avais envie de renouveler l’expérience.

La musique me faisait du bien psychologiquement. Il y avait sur place tous les instruments, mais ils n’avaient jamais servi. Ils attendaient dans des cartons. J’ai présenté un projet d’activité qui a été accepté par l’administration. L’idée était de monter un groupe de musique et un atelier pour apprendre aux autres détenus.

Six mois plus tard, on a mis une salle et des instruments à notre disposition. Entre-temps, j’avais recruté parmi mes codétenus un bassiste, un batteur, un guitariste et une personne qui voulait apprendre le piano. Nous avions droit à trois répétitions par semaine. Ces moments étaient un peu comme une bulle. Nous avions l’impression d’être dehors. En même temps, nous étions obligés de bosser car nous avions des concerts prévus. Nous étions attendus.

Une fois par semaine, un intervenant extérieur, financé par le Secours Catholique, venait nous faire travailler. C’est également l’association qui avait acheté les instruments. Je lui en suis très reconnaissant. Au bout de quatre mois, nous avons donné notre premier concert dans la prison. C’était extraordinaire. J’ai animé cet atelier jusqu’à ma sortie en janvier 2019.

Beaucoup de personnes détenues ne se rendent pas compte de l’importance de pratiquer une activité culturelle. Ça peut changer leur détention, et plus largement leur vie. Un détenu à qui j’avais appris à jouer de la basse et qui faisait partie du groupe m’a dit un jour : « Bruce, tu te rends compte que je vais pouvoir apprendre à mon fils à jouer de la guitare ? Si je n’avais pas appris à jouer de la musique, qu’est-ce que j’aurais pu lui transmettre ? »

Une activité culturelle permet aussi de s’ouvrir, de nouer des liens. Certains surveillants venaient discuter musique. Parfois, ils se joignaient à nous en répétition pour jouer un peu de guitare. Ils ne nous voyaient plus comme des numéros d’écrou, des braqueurs ou des voleurs. Humainement aussi, ça a été une expérience riche. »