Christophe, ex sans-abri : « Doucement, je reprends une vie sociale »
« Pendant un an et demi, j’ai vécu sous une tente en lisière de bois. Je venais de me séparer de ma compagne dans des conditions difficiles et de quitter notre maison. J’ai toujours aimé la nature, la forêt, la campagne. À ce moment-là, je ne travaillais pas, je n’avais pas de voiture. Alors j’ai acheté une tente et je me suis installé à proximité de la ville, mais loin des regards. Je me lavais dans la rivière, j’allais en ville pour faire quelques courses et pour passer une nuit à l’hôtel deux fois par mois, afin de prendre une douche. J’avais retrouvé un peu de sérénité. Je me baladais dans les bois, je posais des pièges pour chasser un peu de gibier. Je n’étais pas encore devenu un marginal, je gardais un contact téléphonique avec mes enfants, mais je n’avais plus aucun autre lien.
Un jour, le chargeur solaire de mon téléphone est tombé en panne. J’ai dû me rendre tous les jours dans un magasin pour le recharger. Le gérant a compris que je vivais une situation difficile. Il m’a donné le contact de Nadia, une bénévole du Secours Catholique qui était passée au magasin par hasard. J’ai mis une heure avant d’oser appeler. Au départ, je voulais seulement prendre une douche. C’était le mois de juin, il faisait très chaud. J’ai finalement rencontré Nadia au local du Secours Catholique. Je lui ai expliqué ma situation. Et de fil en aiguille, Nadia m’a aidé à refaire mes papiers, à obtenir une domiciliation, un suivi social. Je lui confiais mon linge à laver. Isabelle, une autre bénévole, m’a hébergée temporairement. Je me sentais revenir peu à peu à la vie normale.
Il ne faut pas avoir peur de demander de l'aide.
Nadia m’a aussi tout de suite proposé de devenir référent du jardin partagé. Ça m’a occupé, au lieu de traîner sans rien faire. Et j’aime jardiner. Nadia s’est démenée pour me trouver un studio dans une maison ancienne, avec une cour et une petite terrasse, qui rentre dans mon budget. Elle a appelé plein de propriétaires, jusqu’à décrocher une visite, et m’a permis de bénéficier du FSL* pour payer la caution. Elle m’a aussi remis le pied dans le travail, me prêtant sa voiture pour que je puisse passer des tests et faire quelques missions d'intérim.
Aujourd’hui, ça fait un an. Je me sens bien. Je m’occupe du jardin deux journées par semaine. J’ai fait les semis chez moi, et repiqué tomates, pommes de terre, oignons, échalotes, haricots, courgettes, fraises… Ici je suis tranquille, loin de la ville. Je me sens libre. Nadia est devenue une amie. Doucement, je reprends une vie sociale, avec les bénévoles, et aussi dans mon quartier. J’ai aussi pu recevoir chez moi mes enfants, qui s’inquiétaient pour moi. On se croit fort, on se dit qu’on va y arriver seul. Mais ce n’est pas vrai. Ce que je retiens de cette expérience, c’est qu’il ne faut pas avoir peur de demander de l’aide, même si c’est difficile. »
*Fonds de solidarité pour le logement