Goldert, militant indigène : « Je protège le bien de ma communauté car c'est aussi le mien »

Chapô
Goldert est un militant amérindien environnemental. Au sein de sa communauté, qui vit au cœur de la forêt amazonienne dans le nord du Pérou, il assure une mission bien précise : surveiller le territoire communal et alerter en cas d’intrusions. Témoignage.
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Texte

Goldert est le fils aîné du chef de la communauté autochtone Libertad, affiliée au peuple Kukama, qui vit en plein cœur de la jungle amazonienne péruvienne. Il a été sensibilisé dès son enfance à l’importance de défendre ses droits et sa terre. Lorsqu’on lui a proposé de devenir moniteur environnemental et être responsable de la surveillance du territoire communal, il n’a donc pas hésité. Depuis sa maison en bois sur pilotis, il témoigne.

Goldert, militant indigène péruvien.

« Une fois, alors que j’étais en train de pêcher à bord d’un Peke Peke (ndlr un canot péruvien traditionnel), j’ai vu des pêcheurs à la dynamite au loin. Leurs bateaux se trouvaient sur une partie du fleuve qui nous appartient. Les pêcheurs attendaient que les poissons remontent à la surface après l’explosion. Cette pratique est illégale et dévastatrice pour nos ressources car les pêcheurs prélèvent ainsi sans distinction des petits et des gros poissons et en très grande quantité. Mais je ne pouvais rien faire, je n’étais qu’un enfant et je n’avais même pas de téléphone portable pour documenter ce qui était en train de se produire sous mes yeux. Je me suis senti impuissant.

Un jour, le apu (ndlr chef de la communauté) est venu me proposer de devenir le moniteur environnemental de notre communauté. J’ai répondu que je voulais bien mais que je ne savais pas en quoi ça consistait et ce qu’on attendait de moi. Le apu m’a envoyé en formation et j’ai suivi plusieurs ateliers organisés par des associations internationales : renforcement des connaissances en matière de flore et de faune, utilisation de GPS et de drones. J’ai obtenu plusieurs certificats.

En tant que moniteur environnemental, je suis chargé de coordonner les équipes qui surveillent notre territoire communal. Nous exerçons tous cette activité bénévolement. Nous travaillons de manière bénévole pour le bien de notre communauté parce que c’est aussi notre bien. Il y a en tout quatre groupes de surveillants qui se relaient. On patrouille une fois toutes les trois semaines. 

On règle toujours les problèmes de manière collective, jamais seul.

Chacun amène sa machette pour ouvrir des passages à travers la forêt. Je prends aussi un GPS pour nous orienter et un téléphone portable pour faire des photos en cas de dégradation ou d’invasion de notre territoire. Ce qui permet de documenter des situations et de collecter des preuves. Une partie de cet équipement nous a été remis par le Centre amazonien d’anthropologie (CAAAP)*, qui nous accompagne depuis quelques années pour défendre nos droits. En plus des rondes en groupe, il m’arrive de partir seul en patrouille.

Si on constate la présence de personnes étrangères à notre communauté sur notre territoire, on en informe le apu, qui convoque une assemblée. Avec le apu et des gardiens de la forêt, on rencontre les intrus, on leur demande de partir et on les menace de prendre d’autres mesures s’ils refusent. Par exemple, face à des pêcheurs illégaux, il nous est déjà arrivé d’organiser des manifestations sur l’eau. Et, pour repousser les trafiquants de bois, on peut attendre qu’ils quittent leur campement pour s’y introduire et confisquer leurs stocks de vivres et de carburants, leurs outils etc. On règle toujours les problèmes de manière collective, jamais seul. Et on fait tout pour éviter la confrontation.

Mais certains des envahisseurs sont armés. On met nos vies en danger. Je rêve d’avoir un drone et de pouvoir effectuer une surveillance du territoire à distance par les airs ce qui nous éviterait de devoir nous rapprocher et nous exposer. Le drone permettrait aussi d’assurer une surveillance lorsque le moteur du bateau tombe en panne ou quand nous n’avons pas les moyens de payer le carburant.»  

*partenaire du Secours Catholique

À lire, notre reportage auprès des défenseurs de l'Amazonie au Pérou

Crédits
Nom(s)
Djamila Ould Khettab
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Sébastien Le Clézio
Fonction(s)
Photographe
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