Vanessa : « Sans la protection sociale, je ne serais plus là »
« La protection sociale, je suis dedans au quotidien, alors en tant que bénéficiaire je suis bien placée pour en parler. Je suis née dans la Loire, de parents d’origine espagnole et algérienne. Un sacré mélange. Après une enfance chaotique - à un moment, mes parents nous ont même placés en orphelinat - j'ai claqué la porte de chez mon père à 20 ans et me suis retrouvée à la rue. J'ai atterri en Italie et enchaîné les petits boulots dans la restauration avant de revenir dans les vignes dans le Lot-et-Garonne.
Mais ma santé a commencé à décliner en 1999, alors que je n'avais que 24 ans. On m'a découvert une maladie génétique rare dégénérative. Un brin d’ADN qui déconne et qui fait partir le reste en cacahuètes. Je vois alors mon monde s’effondrer en 2006. Alors que je venais de me lancer dans une formation avec alternance en comptabilité à Chambéry, la CPAM m'a déclarée en situation d’invalidité 2.
Place à la pension d’invalidité payée par la CPAM et à l’AAH (allocation adulte handicapé) payée par la CAF. Le parcours du combattant a commencé. Ils ont mis un an à calculer mes droits, un an pendant lequel je ne vivais que des APL : 189 euros pour vivre, c’est impossible. Je me suis alors tournée vers mon entourage, j'ai sous loué un appart, même si c’est illégal, et j'ai vendu mes biens. Je suis sortie de cet épisode révoltée. On ne prend pas les gens en charge à temps, on les laisse tomber dans le trou. Trop de personnes sont ainsi laissées sur le carreau.
C’est animée de cette volonté de vouloir changer les choses que je me suis engagéée en 2015 dans le « Collectif pour une protection sociale solidaire », initié par le Secours Catholique, les Accorderies, les Centres sociaux et Aequitaz. Je trouve ça positif de faire réfléchir ensemble des bénéficiaires de toute la France, des chercheurs et des gens de l’administration. Ça m’apporte aussi de découvrir ce que vivent les autres, notamment les agents administratifs.
La protection sociale peut être difficile à vivre. Quand on est malade, comme moi, parfois on est crevés et il faut en plus faire les administrations et on ne comprend rien. Il faudrait la rendre plus douce en prenant le temps de l’écoute et du dialogue. Il faudrait aider les gens à l’instant T quitte à avoir une ouverture des droits automatique et contrôler après. Il faudrait aussi essayer de faire des cases plus perméables, pour que nos vies rondes rentrent dans les cases carrées. De même je rêverais de voir élargir les recettes de la protection sociale en ponctionnant les flux financiers. Il y a beaucoup à de choses à faire pour garder notre système mais aussi l’améliorer. Le garder, car sans la protection sociale, je ne serais plus là. »